Cet ouvrage retient la totalité de la littérature en Suisse romande depuis le XVe siècle, c’est-à-dire l’apologie, la chronique, la correspondance, l’essai, le roman, la poésie, la critique littéraire, le voyage, les écrits politiques et religieux, l’histoire culturelle, le pamphlet, le témoignage, la biographie. Le lecteur français ignore peut-être une partie de cette littérature mais se souvient de Benjamin Constant lié à Madame de Staël, de Jean-Jacques Rousseau, d’Henri-Frédéric Amiel, « observateur infatigable des vilénies d’un moi manichéen ». Le XXe siècle produit une série d’écrivains qui ont un pied en France. C.F.Ramuz, deux volumes en Pléïade, Blaise Cendrars, Denis de Rougemont qui dénonce les méfaits de l’instruction publique, Maurice Chappaz, ses textes régionaux à résonance universelle, vantés par Etiemble et François Nourissier, Jacques Chessex, Prix Goncourt 1973, Georges Borgeaud, Prix Renaudot 1974, Philippe Jaccottet qui vient d’entrer en Pléïade, sans oublier l’inclassable Charles-Albert Cingria conteur oriental brillantissime qui longtemps vécut rue Bonaparte. Grâce aux éditions de l’Âge d’Homme, on découvre Georges Haldas, grec par son père, suisse par sa mère, homme de souvenirs, se sensations, de perceptions. Pierre Girard, ancien agent de change à Genève. Dans ses romans de haute fantaisie, il met en scène des personnages dépourvus de soucis matériels, des femmes fatales et des filles qui rêvent. Robert Pinget édité par les Éditions de Minuit déclare : « Tout ce qui signifie ne m’intéresse pas, seule capte mon intérêt la voix de celui qui parle ». Gonzague de Reynold, écrivain nationaliste et doctrinaire catholique, mérite notre attention. Comment définir Edmond Gilliard, longtemps enseignant à Lausanne, qui écrit : « Il n’y a pas de bons professeurs que ceux en qui subsiste la révolte de l’élève. Il s’agit de deviner la fougue dans la récalcitrance ». Le poète Gustave Roud, ancien élève de Gilliard, attaché à son village vaudois, à sa terre, observateur du mouvement de tout corps qui va et vient en sens contraire, est l’auteur de Campagne perdue. Le genevois Jean Starobinski, dans son livre Portrait de l’artiste en saltimbanque, offre une réflexion sur les représentations figurées qu’ont voulu d’eux-mêmes peintres et écrivains. N’oublions pas ce grand humoriste d’Henri Roorda, le Cioran suisse, dont le pessimisme réjouissant annonce son suicide avant de passer à l’acte. La liste des femmes écrivains serait trop longue pour les évoquer toutes. Alice Rivaz aime la nature et les saisons, illustre dans ses romans et nouvelles la destinée des femmes que la société marginalise. Clarisse Francillon, co-traductrice d’Au-dessus le volcan de Malcolm Lowry, exprime dans ses romans l’horreur de la mesquinerie bourgeoise et une tendresse pour les petites gens. Enfin, pour clore cet imparfait panorama, signalons l’excellente Catherine Safonoff, qui joue avec les frontières de l’autobiographie. Elle écrit : « Je ne peux m’empêcher de croire qu’au bout de mes notes m’attend une phrase inouïe ».
Alfred Eibel.
Éditions Zoé
1728 p. 49 €.