RSS

Archives Mensuelles: Mai 2015

Le grand dieu Pan, d’Arthur Machen, traduit par Paul-Jean Toulet

Combien de cinéphiles des années cinquante n’ont pas rêvé d’adapter au cinéma Le grand dieu Pan d’Arthur Machen (1863-1947) traduit par Paul-Jean Toulet (1867-1920). Daniel Aranjo, le biographe de Toulet, considère cette traduction comme faisant partie intégrante de son œuvre. Qui est le grand dieu Pan ? Un homme nu, un grand Tout, un soleil irradiant, le Diable, l’âme du réel, le maître de la vie et de la mort ? Machen préfère laisser planer le mystère, un voile opaque. Une fois opérée d’une sorte de cataracte au sens figuré du mot, par un docteur démoniaque, une jeune fille glisse dans l’affaiblissement intellectuel. Des convulsionnaires réduisent leurs maris à la mendicité, des suicides inexpliqués se succèdent, des maux étranges font des ravages. Le masque universel nous dérobe-t-il l’Essentiel ? Mais qu’est-ce que l’Essentiel ? La femme, de quels sortilèges est-elle la victime ou la furie ? Richard Matheson se souvenant peut-être d’Arthur Machen a publié Les seins de glace. En quatrième vitesse de Robert Aldrich est un « apologue apocalyptique en forme d’avertissement planétaire ». Le grand dieu Pan nous avertit peut-être d’un péril imminent ? Dans sa préface, Anne-Sophie Yoo écrit que « tout bascule un merveilleux jour d’été, chaud et éblouissant, du pays de Galles, jusqu’à l’obscurcissement graduel puis définitif de l’existence, confinée dans les bas quartiers de Londres ».

Alfred Eibel.

Pierre-Guillaume de Roux éditeur.

150 p. 22 €.

 

 
Poster un commentaire

Publié par le Mai 27, 2015 dans Uncategorized

 

Le Ciel de Cambridge. Rupert Brooke, la mort et la poésie de Philippe Barthelet

Qui est Rupert Brooke (1887-1915) ? Un poète anglais mort lors de la première guerre mondiale. Romanesque, chevaleresque, auteur de poèmes patriotiques, préoccupé par sa mort, non sans insolence et sourire, auquel Philippe Barthelet consacre une étude des plus fournie. Rupert Brooke, écrit-il, voulait « sauver l’honneur de la nation ». Cet homme vivait sa poésie, en selle à la fois sur l’élégance, la beauté et l’insouciance, partagé entre le front de la vie et le front de la mort. Certains de ses poèmes mélangent une forme de pastorale sentimentale avec une fantaisie juvénile. De nombreuses couronnes ornent son buste. Churchill fut un lecteur assidu du poète et Malcolm Lowry rêva de lui consacrer un essai.

 

Alfred Eibel.

Pierre-Guillaume de Roux éditeur.

142 p. 23,50 €.

 

 
Poster un commentaire

Publié par le Mai 27, 2015 dans Uncategorized

 

La femme du héros, de Jean-Pierre Poccioni

Si vous avez aimé Delly, vous ne serez pas déçu. Poccioni fore au plus profond de la conscience de ses personnages, ramène à la surface un univers de non-dit et de songes. Solange, d’aspect quelconque, épouse Gérard d’allure ordinaire. Quand tout va comme sur des roulettes, c’est que rien ne va plus. La rêveuse bourgeoisie poursuit son petit bonhomme de chemin, des enfants naissent, Solange travaille, Gérard change d’emploi et la stabilité du ménage se désagrège. En chirurgien des traumatismes du couple, Poccioni atteint une hauteur de vue que rien ne laissait prévoir. Nous sommes loin du monde de Delly et proche d’un talent qui retient particulièrement notre attention.

 

Alfred Eibel.

Pierre-Guillaume de Roux éditeur.

183 p. 19,50 €.

 

 
Poster un commentaire

Publié par le Mai 27, 2015 dans Uncategorized

 
Image

Nadia Doukhar et Alfred Eibel . Conversation autour du polar.

ALFRED0001

 
Poster un commentaire

Publié par le Mai 18, 2015 dans Uncategorized

 

Le bal du siècle, de Stéphanie des Horts

Jim, père capitaine trop porté sur la bouteille, sa femme indienne trop belle, Nina, quinze ans, leur fille, trop amoureuse pour son âge et enfin Jack O’Hara, intrigant, sont les principaux personnages de ce roman. Il y a plus de soixante ans la jet-set excentrique se donnait à fond, sentait le vent tourner qui allait mettre fin à leur joyeuse décadence. Milliardaires, stars américaines, hommes de lettres français, parasites, trainent leurs ennuis d’une ville à l’autre de Lausanne à Venise, une dolce vita en perpétuel renouvellement. Des messieurs emperruqués tentent de séduire des femmes portant souliers légers qui hissent le cou-de-pied. De 1947 à 1951 que de changements, que de souvenirs plumes au vent, que d’idées sauts de puce ! L’envers du décor, par contre, est moins jubilatoire puisque c’est à Lahore que se retrouvent Nina, ses parents et l’inévitable Jack O’Hara dans une Inde secouée par des affrontements entre religions sans parler du choléra qui décime des villages. Fini la gondole aux chimères ! Nina fixe son grand amour sur Jack plus âgé qu’elle tandis que lui s’éprend de la mère de Nina. Retranchés de la Sérénissime, pas à l’aise dans un pays à contrastes, ils réinventent la réalité sans que la position de chacun ne bouge. Jim reluque l’alcool, sa femme reste étrangement héroïque, Jack rumine, Nina profite de chaque instant pour se faire remarquer, tourne autour de son grand amour, s’accroche, tempête, s’écrie que Jack est l’homme de sa vie. L’ennui c’est que Jack, qui a tant vécu, reste dans la position du félin à l’affût. Après les regrets, les dégoûts ; ce qui paraissait exotique ira en s’affaiblissant.

Le temps presse, les masques tombent. La conclusion sera sombre et inattendue dans ce monde où les symboles s’effritent. On retrouve dans ce roman cosmopolite toute l’ingéniosité de l’auteur, tout son talent, la solitude, la sauvagerie des frontières et l’ombre dangereuse des personnages. Les dialogues atteignent une réalité profonde, suggérant juste ce qu’il faut, une des grandes qualités de Stéphanie des Horts.

 

Alfred Eibel.

Albin-Michel

265 p. 18 €.

 

 
Poster un commentaire

Publié par le Mai 17, 2015 dans Uncategorized

 

Un certain Blatte, de Patrice Delbourg

Il y a des hommes dont le destin est de vivre par procuration. Adrien Blatte est de ceux-là. Pour tenter d’exister il conserve tout, ne jette rien, accumule, se réfugie dans le rebut. Il se met à l’abri au cinéma, regarde vivre les acteurs. Ne pas exister, pour mieux traquer les trous d’air. Sans monture, sans posture, il est prêt à supporter l’avanie pourvu qu’on n’exige pas sa participation. Il est l’homme des bévues et des boulettes. Il ressent de l’affliction sans savoir pourquoi. Il veut rester ombre parmi les hommes. Les femmes qui tentent de l’aborder rappellent à Adrien l’abordage de deux vaisseaux. Cet état d’abandon et de solitude morale complète ne pouvait que réjouir Patrice Delbourg. Il puise dans sa réserve les termes spécifiques les plus appropriés pour régler son compte à Adrien Blatte. Le lecteur est aux anges.

Alfred Eibel.

L’Arbre Vengeur

198 p. 12 €.

t

 
Poster un commentaire

Publié par le Mai 17, 2015 dans Uncategorized

 

Au nom de sa majesté, de Laurent Graff

Installé aux éditions du Dilettante, Laurent Graff nous offre les bienfaits que suppose se cantonner sur une île. Cet isolement lui permet de jouer avec les idées et d’aligner maximes, adages, dictons, en les réinterprétant comme une évidence nouvelle. « À marée basse on voit toutes les dentitions de l’île, sans ses caries d’algues, comme une vérité autre ». Au fond, il ne souhaite qu’on le définisse. Par ailleurs, il avance que les mots sont des tritons sur le point de muer ; ils font éclore des images inattendues. Contrairement à ce qu’on raconte, il n’y a pas que de coïncidences heureuses. Graff saisit un propos au vol, le retourne comme un gant. Le bonheur d’être seul permet la création ; acquérir une vitesse fulgurante. Il note : « Dans le feu du monde, vivre à la bougie ».

Alfred Eibel.

Le Dilettante

158 p. 14 €.

 
Poster un commentaire

Publié par le Mai 17, 2015 dans Uncategorized

 

Huit quartiers de roture, d’Henri Calet

« J’aime les faubourgs parce qu’ils n’y a rien à voir » écrit Henri Calet (1904 – 1956). Piéton sentimental, il arpente le XIXè et le XXè arrondissements, quartier par quartier, en géomètre, en poète, trainant sa mélancolie, à la recherche d’une forme de grandeur. Il s’intéresse aux petites gens des quartiers. La singularité de son écriture tient à la simplicité de son regard. Il constate les traces des demeures disparues. Il déchiffre les plaques commémoratives qui lui facilitent de remonter le temps. Il raconte avec un humour discret, tempéré, les transformations successives de ces arrondissements, à la recherche des célébrités qui les ont abritées. Tout surprend Calet, tout l’étonne, il est en permanence au bord d’un sourire ironique, lui le flâneur de plusieurs rives et se considère comme un chiffonnier du passé. Ce livre s’adresse à ceux qui se sentent unis à Paris comme les doigts de la main.

 

Alfred Eibel.

Le Dilettante

221 p. 20 €.

 

 
Poster un commentaire

Publié par le Mai 17, 2015 dans Uncategorized

 

Le divin Chesterton, de François Rivière

Gilbert Keith Chesterton (1878 – 1936) est un écrivain très populaire bourré de paradoxes, de valeurs traditionnelles, grand lecteur de romans policiers. François Rivière établit un parallèle entre sa formation et celle de l’auteur de Le nommé Jeudi. Il le présente dans sa vérité grande, d’étape en étape, avec aisance, qui fait que chaque page nous enchante. Créateur d’un détective hors du commun, le père Brown, ecclésiastique d’apparence inoffensive, il possède au plus haut degré la perception du bien et du mal. Gros succès de librairie. Alec Guinness se glisse dans la peau du père Brown avec délice : Father Brown (Détective du bon Dieu) en 1954. Chesterton est un homme joyeux, aimant jongler avec les expressions toutes faites. Il s’affirme contre le cosmopolitisme et déclare : « Je n’ai pas assez de foi pour croire en la matière ». Abandonnant la foi anglicane pour la foi catholique, ébloui par l’existence du merveilleux dans la vie, pétri d’un idéal chrétien, peu porté sur les intellectuels, détestant les esthètes, G.K. Chesterton pratique un catholicisme gai au grand dam des tristes sires de cette religion. Kafka, Claudel, Larbaud, Pierre Klossowski, Jorge Luis Borgès, parmi d’autres, furent ses lecteurs sensibles à son humour et sans doute à l’enfant qu’il a su rester jusqu’à la fin de sa vie.

 

Alfred Eibel.

Rivages

216 p. 21 €.

 

 
Poster un commentaire

Publié par le Mai 17, 2015 dans Uncategorized

 

Histoire de la littérature en Suisse romande, Collectif sous la direction de Roger Francillon

Cet ouvrage retient la totalité de la littérature en Suisse romande depuis le XVe siècle, c’est-à-dire l’apologie, la chronique, la correspondance, l’essai, le roman, la poésie, la critique littéraire, le voyage, les écrits politiques et religieux, l’histoire culturelle, le pamphlet, le témoignage, la biographie. Le lecteur français ignore peut-être une partie de cette littérature mais se souvient de Benjamin Constant lié à Madame de Staël, de Jean-Jacques Rousseau, d’Henri-Frédéric Amiel, « observateur infatigable des vilénies d’un moi manichéen ». Le XXe siècle produit une série d’écrivains qui ont un pied en France. C.F.Ramuz, deux volumes en Pléïade, Blaise Cendrars, Denis de Rougemont qui dénonce les méfaits de l’instruction publique, Maurice Chappaz, ses textes régionaux à résonance universelle, vantés par Etiemble et François Nourissier, Jacques Chessex, Prix Goncourt 1973, Georges Borgeaud, Prix Renaudot 1974, Philippe Jaccottet qui vient d’entrer en Pléïade, sans oublier l’inclassable Charles-Albert Cingria conteur oriental brillantissime qui longtemps vécut rue Bonaparte. Grâce aux éditions de l’Âge d’Homme, on découvre Georges Haldas, grec par son père, suisse par sa mère, homme de souvenirs, se sensations, de perceptions. Pierre Girard, ancien agent de change à Genève. Dans ses romans de haute fantaisie, il met en scène des personnages dépourvus de soucis matériels, des femmes fatales et des filles qui rêvent. Robert Pinget édité par les Éditions de Minuit déclare : « Tout ce qui signifie ne m’intéresse pas, seule capte mon intérêt la voix de celui qui parle ». Gonzague de Reynold, écrivain nationaliste et doctrinaire catholique, mérite notre attention. Comment définir Edmond Gilliard, longtemps enseignant à Lausanne, qui écrit : « Il n’y a pas de bons professeurs que ceux en qui subsiste la révolte de l’élève. Il s’agit de deviner la fougue dans la récalcitrance ». Le poète Gustave Roud, ancien élève de Gilliard, attaché à son village vaudois, à sa terre, observateur du mouvement de tout corps qui va et vient en sens contraire, est l’auteur de Campagne perdue. Le genevois Jean Starobinski, dans son livre Portrait de l’artiste en saltimbanque, offre une réflexion sur les représentations figurées qu’ont voulu d’eux-mêmes peintres et écrivains. N’oublions pas ce grand humoriste d’Henri Roorda, le Cioran suisse, dont le pessimisme réjouissant annonce son suicide avant de passer à l’acte. La liste des femmes écrivains serait trop longue pour les évoquer toutes. Alice Rivaz aime la nature et les saisons, illustre dans ses romans et nouvelles la destinée des femmes que la société marginalise. Clarisse Francillon, co-traductrice d’Au-dessus le volcan de Malcolm Lowry, exprime dans ses romans l’horreur de la mesquinerie bourgeoise et une tendresse pour les petites gens. Enfin, pour clore cet imparfait panorama, signalons l’excellente Catherine Safonoff, qui joue avec les frontières de l’autobiographie. Elle écrit : « Je ne peux m’empêcher de croire qu’au bout de mes notes m’attend une phrase inouïe ».

 

Alfred Eibel.

Éditions Zoé

1728 p. 49 €.

 

 
Poster un commentaire

Publié par le Mai 17, 2015 dans Uncategorized