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Archives Mensuelles: décembre 2020

Jean-Luc Coudray, Lettres de burn-out

Cinquante lettres. Autant de façons de jeter l’éponge. Fatigué de consulter, d’être consulté, arrêter de rendre service, bye ! bye ! les amis. Rien de pire que les bonnes dispositions prêtées aux auteurs dans l’obligation de décevoir la direction, ses collègues. L’égoïsme est la bonne solution pour ne pas sombrer à répéter les mêmes choses. On vous faisait confiance. C’était pointer l’erreur ! Au bout de tant de temps, ne plus avoir envie de le faire. Comme le notait Herman Melville. Être différent comme le notait Eugène 0’Neill. Quitter femme et enfants. Entendez ici les pleurs insupportables. Choisir la grasse matinée. Imaginez la tête de Charles Laughton modeste employé lorsqu’il vient de gagner à la loterie. Être un pilote et en avoir ras le bol. Imaginez la tête des voyageurs qui se croyaient obligés d’atterrir sur une île lointaine ou sur un continent aux antipodes. Couper court à un entretien comme ce fut le cas de l’écrivain américain Frédéric Prokosch pour terminer sa partie de bridge et s’en aller à la chasse aux papillons. Imaginez une femme renonçant à être belle. Trop d’hommes lui courraient après. Prendre ses responsabilités c’est bon pour les autres, ça fatigue les neurones. Ne jamais rater un renoncement possible. Renoncer est une façon d’être soi-même. Une bonne lettre de démission est toujours ça de pris sur de longues explications foireuses. La fatigue nous empoigne, le saviez-vous ? Ne plus répondre au téléphone. Quel bonheur ! Voici un lot d’extravagances auxquelles le simple péquin ne songe pas parce que trop timoré comme ce directeur aveugle d’entreprise. Hors celles-ci, pas d’autre monde !

Alfred Eibel.

Éditions Wombat, 192 p., 16 €.

 
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Publié par le décembre 3, 2020 dans Uncategorized

 

C.F.Ramuz, Posés les uns à côté des autres

Le style de C.F.Ramuz (1878 – 1947) n’est pas facile d’accès à cause notamment de son aspect parlé. L’ouvrage, resté inédit de son vivant, se caractérise par une série de personnages dans un village vaudois. Hommes et femmes n’ont pas grand-chose à se dire. Ils ruminent, expriment parfois leur joie discrètement, puis soudain se posent la question de leur utilité sur terre. Tout leur semble étriqué. Rien ne s’accélère. La nature prend sa part. Chaque jour les mêmes gestes, peu de paroles, de la patience. Tout est solennel y compris la pauvreté avec quelque chose de biblique. Une forme de douceur s’installe dans cette campagne où le moindre détail a son importance. On dirait que les arbres chantent, que rien ne s’accélère dans un ensemble de mouvements lents qui permet à l’écrivain de saisir les détails les plus ordinaires. Les personnages de ce livre ne semblent être reliés à rien parce qu’il ne faut pas penser, parce que penser est une maladie. Les instants heureux sont à peine lisibles dans ce que Gustave Roud (1897 – 1976) appelle « campagne perdue ». Quand on ne se sent plus relié à quoi que ce soit, on éprouve la terre ferme. L’évènement est clos. On vaque à ses occupations. Ici, Ramuz a rassemblé autant d’eaux-fortes que de personnages. Il arrive qu’on se suicide, on se pend. Le corbillard n’est pas loin. La terre est profonde. Une fois revenu, la terre est ferme. On revient à son savoir-faire. Qui sommes-nous au juste ? C’est cela auquel le lecteur est confronté.

Alfred Eibel.

Éditions Zoé poche, 304 p. 11 €.

 
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Publié par le décembre 3, 2020 dans Uncategorized