Oui, c’était ça ma famille nous dit Christian Estèbe. Une fois sa mère morte, il tente page après page de reconstituer son visage, de se la représenter à nouveau, un portrait peu flatteur. La mère de sa mère l’appelait la bâtarde qui ne cessait de tempêter, la voilà muette comme une carpe, plus besoin de lui faire risette, une fois clamsé l’heure de vérité a sonné. Elle n’emmerdera plus personne quoique vont commencer les emmerdements avec la paperasse à propos de cette mère qui n’a cessé de prêter son corps aux amants de passage et qui pour finir fait don de son corps à la médecine. Pas une once d’acrimonie dans ce récit. Un doute : qui était-elle réellement et que dire du père ? Que reste-t-il de nos amours ? Pas des masses, des conjonctures, des dénouements, des désastres, des frivolités, des futilités, du ressentiment, des rancunes. Au surplus, des déplaisirs, pas d’appui, réconfort zéro. Nul doute, nous avons affaire à un écrivain confirmé par ce huitième livre, soutenu par une nostalgie qui se traîne ponctuée de soupirs. L’essentiel, le ton imagé du livre, ses imprévus, sa gaîté, sa fraîcheur, qualités que l’on prête habituellement aux Essais. Disons avec plus de modestie qu’une vie entière est ici rassemblée, inspirée, observée, respectée, y compris les tuiles à des moment inopportuns. Aucun plan de carrière pour Christian Estèbe qui a exercé moult métiers et qui surtout, ainsi qu’on vient de l’exprimer, a l’écriture dans la peau.
LIVRE DE LA RENTREE LITTERAIRE
Alfred Eibel
Editions Finitude, 208 p., 16,50 €.