Retenons de ce livre que nous sommes embarqués au royaume farfelu. Tout y est biseauté, tout est moquerie. Il s’agit avant tout de bluffer l’opinion publique. Christoffe Robin est recruté par Herts, du groupe Herst, pour piloter une expédition au pôle sud. Herst est autoritaire. Il fait songer au personnage de Rex McBrid des romans de Cleve F. Adams (1895-1949), est un optimiste grandiloquent qui, sous couvert d’avancées scientifiques, tient avant tout à valoriser les investisseurs de cette expédition dans cette arche de Noé sachant tanguer. Il faut en mettre plein les mirettes au public, convaincre les plus rétifs qu’il faut acheter un maximum de produits inutiles mais indispensables. L’impayable Herst semble dire à Robin légèrement sceptique que le mot obstacle est une invention des lâches. Enjôleur, cajoleur, escamoteur, Herst présente cette aventure grandiose comme l’évènement du siècle. Aux questions qu’on lui pose et qui ne lui plaisent pas, il répond à côté. Plus Wolcott Gibbs progresse dans son histoire, plus la normalité semble être un vice qu’il est indispensable d’éradiquer. Soyons burlesques semble dire l’auteur, qui possède l’art de manier le scalpel pour présenter le nombre de buses embarquées sur ce navire dont rien ne prouve à priori qu’ils soient en mesure d’affronter les extrémités de l’axe autour duquel la sphère céleste semble se mouvoir en vingt-quatre heures. Durant cette extravagante aventure, on fera connaissance avec la belle Cyanara dont la fermeté des fesses, suppose-t-on, est à mettre au côté positif de cette entreprise loufoque, ainsi qu’un pingouin qui fait des siennes pour se mettre en valeur. Wolcott Gibbs, écrivain américain (1902-1958) est un incurable pessimiste dont le sourire semble témoigner d’un certain dédain. Ce qui ne l’a pas empêché d’être alcoolique.
Alfred Eibel.
Éditions Wombat, collection Les Insensés, n°36, 116 p.16 €.