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Archives Mensuelles: mai 2020

« Pile ou face », de Catherine Colomb

Catherine Colomb (1892-1965). Jean Paulhan la considérait comme une romancière de génie. Le lecteur habitué à des intrigues bien ficelées risque de se retrouver face à un roman qui n’en porte que le nom. Dans cette famille vaudoise installée à la campagne, pas de conversations suivies, des réminiscences, des interférences subtiles, des aspirations individuelles. Avant tout, occuper le silence. Égrener des pensées de peu de conséquences, lancer des regards furtifs, hâtifs, suivis d’élans brefs. Et brusquement, voilà le père de famille pris d’envie de bousculer tout dans la maison, tout changer, tout bazarder devant sa femme, pris d’un ébranlement moral qui paralyse quelques instants les quatre membres de la famille. Il règne dans la maison une anxiété inépuisable, peut-être aussi le sentiment d’un respect mal placé, de la nécessité de chercher au fond de soi la représentation de quelque chose que personne n’a encore osé dire, une forme de langage non encore exprimé.

M’aime-t-il ? Est-ce que je l’aime encore ? Et pourquoi les saisons passent-elles si vite, on y fait à peine attention. La famille, aux membres si figés, est saisie d’enfantillages, à la recherche d’un langage inspiré qui semble s’évanouir à l’instant où il est exprimé. Il faut ajouter que l’insignifiance des jours prend une dimension peu commune. Et le lecteur tourne les pages, commence à visualiser les péripéties qui se piétinent les unes les autres, parce qu’on s’ausculte mutuellement. Semblable à un vieux film en noir et blanc, une phrase surprend : « après trente ans, tous les humains ne sont que des rois en exil ».

Alfred Eibel

In Tout Catherine Colomb, 1672p, Éditions Zoé, 35€.

 
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Publié par le mai 19, 2020 dans Uncategorized

 

Michèle Dassas : « À la lumière de Renoir »

1893…Ce roman par son style, ses dialogues, semble avoir été écrit à l’époque même des événements relatés, donnant ainsi au lecteur le sentiment que l’auteur a vécu cette époque. Jeanne Maudot a seize ans, et se découvre une vocation : la peinture. À l’époque cela paraît difficilement concevable parce qu’un nombre important de professions sont interdites aux femmes. Mais Jeanne est une jeune fille libre d’esprit, décidée malgré les conseils de sagesse donnés par ses parents. Mais on n’est jamais seul dans la vie. L’insistance de Jeanne n’admet aucune faiblesse, ce qui lui vaut précisément quelques soutiens. Si l’impressionnisme est encore contesté, Auguste Renoir a néanmoins ses admirateurs, et Jeanne qui aime la vie, la nature  le ciel, admire la peinture du grand homme. Elle va finir non seulement par le rencontrer, mais par obtenir son soutien. Michèle Dassas déroule une vie faite de passion, de camaraderie d’abord avec Auguste Renoir puis une solide amitié, et cela jusqu’à son grand âge, qui va chambouler sa vie. On la retrouvera jusque dans les années cinquante. La vie de Jeanne ? « La bohème et mon cœur » comme disait Francis Carco.

Alfred Eibel

 

Éditions Ramsay 300 p., 19€.

 
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Publié par le mai 19, 2020 dans Uncategorized

 

Marlen Haushofer : « Une poignée de vies »

En 1951, Betty, après une longue absence, revient dans son petit village autrichien. Elle fascine son entourage, ne parvient pas à répondre aux émotions qu’elle suscite, prise de fatigue subite ce qui la fait tomber dans ce qu’on pourrait appeler une non-présence. Elle manipule de vieilles photos de son enfance dans lesquelles elle se retrouve. Mais était-ce vraiment ainsi ? N’embellit-elle pas son enfance ? Cette période de sa vie s’étend depuis sa naissance jusqu’à sa quatorzième année.  Avec le sentiment d’une liberté qui n’appartient à aucun maître. Ne se trompe-t-elle pas elle-même ? À l’époque, elle était révoltée contre le monde. La question posée : s’agit-il bien de cette liberté qu’elle défend d’un mouvement rapide et violent ? Par occasion, elle semble s’attacher à un homme plus jeune qu’elle. Cet attachement, elle ne saura le mener à bien. Elle remue sans cesse l’idée de liberté qui à la longue semble un vain mot, parce qu’elle est incapable de se donner à fond, parce qu’elle ne peut se dessaisir d’une forme de retenue par cet acte moral. Elle se retient ou se contient. La nature qui l’environne l’attire, la fascine, presque engloutissante, pourrait-on dire, dont elle finit par se garder si elle veut défendre sa liberté. Betty est indéfinissable. Marlen Haushofer (1920-1970) en fait une femme effacée, troublée par ses propres divisions, inapte à s’adapter à une société qui rappelle la simplicité de ses mœurs. Et cela dans une langue d’une force supérieure.

 

 

Alfred Eibel

Éditions Chambon, 185p., 19€.

 

 
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Publié par le mai 19, 2020 dans Uncategorized