Trois sœurs, trois destins, trois femmes soumises. Clara, bonne à tout faire au service d’un couple bienveillant. Le vent mauvais vient de la gendarmerie : arrêter la jeune femme qui s’est fait avorter. Accoucher avant terme est un crime et le crime mène à la prison. Le couple prend la défense de cette pauvre fille qui est traînée d’un lieu de détention à un autre sans le moindre égard. Au vu de l’administration pénitentiaire, Clara est à peine quelqu’un. Elle se tire plus ou moins d’affaire en prenant des initiatives audacieuses. Remise en liberté, elle se sent abîmée. Jacquotte a moins de chance. Elle a poussé comme elle a pu. Elle n’a que ses yeux pour pleurer face à un tyran domestique. Elle n’est qu’un moustique, un rien du tout. Servitude, asservissement, tâches ingrates, jamais tranquille, chaque jour arrive avec une sanction. Qu’on ne s’étonne pas que Jacquotte se jette dans les bras de son patron. Louison est au service d’un imbécile exigeant. Elle se pose la question : comment vivre dans une société où il n’y a que des ruminants ; comment plaire aux hommes. Cette petite est à la recherche d’un peu de dignité. Par conséquent, elle fait preuve de finesse, joue la comédie ; déjouer les pièges tendus par un patron sadique lui remonte le moral.
Il ne suffit pas à un écrivain de savoir camper des personnages. Il faut retrouver le timbre des voix de chacune des trois sœurs, leur façon de baisser les yeux, être coquette ou déplaire, savoir monter un discours, savoir se mouvoir parmi des hommes sans grâce. Raymond Guérin réussit ce tour de force de nous les rendre agitées et vivantes, chacune à sa manière, parce qu’il participe à la danse du scalp qu’il a si bien organisée.
Alfred Eibel.
Éditions Finitude, 125 p., 14,50 €.