Fric, trafic, filles perdues. Le quartier est dégueu et poétique à la fois. Nous sommes loin du Pigalle de Georges Ulmer. Ici on ne parle pas, on s’exclame, on s’apostrophe, on se bouscule, on se menace, on tue quand on n’arrive pas à convaincre. Le bonheur ordinaire coince entre l’arrivée des flics et les truands. La vie ressemble à une décharge publique. L’arrivée d’un éducateur des rues file la nuit, la foule dérisoire et sublime. Savoir garder les yeux secs est un lien de droit. Quand la tendresse fait irruption, une espèce de puissance surnaturelle fait des siennes. Il faut s’immerger dans les livres de Marc Villard comme dans un fleuve d’Afrique, fleuve de tous les dangers. Voilà la meilleure façon d’éliminer les chevilles romanesques auxquelles tant de romanciers ont recours, Marc Villard au contraire stylise ses sujets vers lesquels il n’est pas évident qu’on soit du premier coup attiré, conquis, mais c’est ainsi qu’il crée de la beauté.
Alfred Eibel.
Gallimard, Série Noire, 309 p. 20 €.