Après le Journal de Mireille Havet qui révéla un écrivain, Claire Paulhan nous offre l’étonnant Journal de Hélène Hoppenot, femme de Henri Hoppenot nommé auprès de l’ambassadeur Paul Claudel à Rio de Janeiro en 1918. Hélène note ses impressions, le comportement rustique de Claudel, ses humeurs, son autoritarisme, ses bévues, son immense culture. Anecdotes et diverses attitudes trouvent leurs places dans ce journal. Partout où Henri Hoppenot fut nommé par la suite, que ce soit à Téhéran, Santiago du Chili, Beyrouth, Damas ou Berne, sa femme découvre des hommes de goût, enregistre des conversations, pleure la disparition de son « immense lévrier des steppes ». De passage à Paris, visite d’Adrienne Monnier. Hélène fait la connaissance de Henri Béraud, croise Erik Satie, Saint John Perse, Poulenc, Picasso, Cocteau, Sylvia Beach la libraire, peintres et musiciens. A Berlin, écrit-elle, « nous attendons de Moscou David Milhaud et Jean Wiener, pour lesquels nous organisons un concert. Valéry, Mistinguette et Duhamel sont annoncés ». Elle trouve matière à nourrir son journal par des remarques dignes de Saint-Simon ; insère dans son journal des passages significatifs du courrier reçu. Elle s’arrête un instant sur la dynastie des Casadesus, sur la duchesse de La Rochefoucauld « cérébrale et tendue » ; nous raconte non sans espièglerie l’impétuosité du couple Morand émergeant dans une ambassade. Livre irremplaçable, plus vivant qu’une biographie, on suit avec le plus grand intérêt la plume agile d’une femme qui accompagne des artistes dans leurs drôle de comportements.
Alfred Eibel
Editions Claire Paulhan, 639 p., 48 €.