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Archives Mensuelles: septembre 2011

Bussy-Rabutin le flamboyant, de Daniel des Brosses

Une biographie brillante, pétillante qui éclaire la vie de Bussy-Rabutin (1618-1693), qui déclarait en commençant ses Mémoires vouloir « parvenir aux plus grands honneurs de la guerre ». Avec jubilation, Daniel des Brosses suit Bussy-Rabutin, homme d’esprit doué pour les lettres, admiré, encensé, craint, jalousé, frondeur dès son plus jeune âge, bousculant les préséances, bravant les dangers, attirant les aventures de tout poil ; un homme prêt à partir avec armes et bagages servir le Roi ; un homme qui préférait être « disgracié pour avoir réfléchi que récompensé pour avoir été servile ». Un homme fourvoyé, perdu en galanterie. Un homme embastillé une première fois par erreur. A peine libéré, Bussy-Rabutin se sent raffermi, prêt pour de nouvelles aventures. Daniel des Brosses écrit : « Le terrible jeu du monde, il le rencontrera à chaque tournant de sa vie ». L’indifférence de Louis XIV à son égard, la Bastille à nouveau, puis retour à la bienveillance du Roi. Son insolence l’amène à écrire un pamphlet intitulé Histoire amoureuse des Gaules qui lui vaut les pires ennuis. Il entretient avec la marquise de Sévigné sa cousine, une importante correspondance ; se fâche, puis se rabiboche avec elle. Grand seigneur, il entre à l’Académie Française. Il quitte Paris, rejoint sa province natale, passe ses journées à écrire des maximes d’amour. Trois siècles après sa mort on retiendra ses excellents Mémoires et sa vaste correspondance où on le retrouve tout entier, distingué, frivole, de l’à propos et homme de cœur.

Alfred Eibel

Editions Via Roma, 414 p., 21 €

 
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Publié par le septembre 24, 2011 dans Uncategorized

 

Au fil de l’eau suivi de Haikais. Les premiers haïkus français.

En France, où l’engouement pour les « japonaiseries » date du XIXème siècle, la découverte du poète japonais Basho (1644-1694) amena quelques uns à s’essayer au haïku. Eric Dussert nous les présente, nous propose un échantillonnage de ceux qui pratiquèrent cette miniaturisation du langage. Le haïku est un poème de trois vers composés de dix sept syllabes réparties en deux vers de cinq syllabes et un vers de sept. Julie Wright, préfaçant les haïkus de son père Richard Wright, parle de « pépite de poésie », des instantanés faits pour éblouir. Par analogie, le tracé accéléré d’une seule main du calligraphe faisant éclore une fleur. Ce type de virtuosité est un champ inépuisable de registres divers et de thèmes. C’est un peu comme si Francis Ponge avait poussé le souci d’exactitude et de dépouillement jusqu’à l’extrême. Le haïku est une litote, une métaphore, un croquis pris sur le vif. Louis Scutenaire s’en approche qui fait claquer l’élastique de sa pensée. Le poète suisse Emile Gardaz, à l’écoute du quotidien, tend vers cet interstice de la pensée qui laisse propager des ondes concentriques. Pour Roland Barthes, les haïkus sont des impressions brèves, des interrogations. On peut aussi définir le haïku en disant que c’est un trait d’esprit dépouillé, badin, un montage cinématographique de courtes séquences. Contrairement à ce qu’on raconte, le haïku n’est pas l’ancêtre du SMS.

Alfred Eibel

Editions Mille et une Nuits, 152 p., 4 €.

 
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Publié par le septembre 24, 2011 dans Uncategorized

 

« Sa petite chérie », de Colombe Schneck

Histoire de deux amours, à deux étapes de la vie d’une femme – l’adolescence et ses élans inaboutis, l’âge adulte, qui referme les portes du souvenir pour permettre l’avènement d’une troisième histoire, tout juste esquissée dans les dernières pages.

Deux homme : celui du présent, François, destinataire ultime du récit ; celui du passé, Jean, dont la narratrice tombe follement amoureuse au seuil de l’adolescence sans savoir que faire de cette passion malhabile qui ne cesse de se créer de nouveaux obstacles. Rien n’est aisé entre ces deux timides toujours prêts à s’emballer pour, l’instant d’après, retomber dans une gêne paralysante. Faute de pratiquer les Sésames qui donnent aux adultes la confortable illusion de partager les mêmes sentiments, lui et elle, du haut de leurs quinze ans, recourent à d’obscures stratégies d’évitement et de contournement, que la romancière décrit avec un attendrissement mesuré et une précision microscopique. La fille s’interroge, suppute, dresse des listes d’indices censés prouver que « son » Jean l’aime. Mais lorsque le jeune mâle (encore plus amoureux, et fort décidé à le cacher), feint la désinvolture et propose qu’ils « sortent ensemble », elle se fige et n’a que la force de lui opposer un refus muet, qu’il prend pour argent comptant.

Cette première brisure n’interrompt pas l’effort « fusionnel » de la jeune amoureuse, plus que jamais désireuse d’appartenir au monde du garçon. Une famille accueillante à l’extrême, des cours à potasser en commun pendant des heures, des échanges à perdre haleine, tout est fait pour encourager la proximité…  et décourager un amour de jeunesse. Le rêve, faute d’être entretenu, se délite, et l’adolescente, derrière laquelle se profile déjà une adulte cruellement lucide, décrète avec une touchante gravité qu’elle a raté sa première histoire d’amour. À seize ans, le lien s’est bel et bien dénoué, faisant place à des feintes courantes, bien plus calculées, que Colombe Schneck décrit avec mordant. Bien plus tard, elle réalisera le malentendu, comprendra que « tout avait toujours été possible entre eux » piètre lucidité rétroactive, qui creusera encore plus l’écart. En amour, on ne fait pas deux fois les mêmes erreurs, on en fait simplement d’autres.

À dix-huit ans, voici qu’elle se lance, « sans aucun mode d’emploi » dans une vie amoureuse mouvementée. Les années passent… mariage, maternité, divorce de part et d’autre, et quelques secondes de précieuse intimité à l’occasion d’un enterrement. La narratrice s’interroge, cherche à remonter le labyrinthe des sentiments, pour s’apercevoir finalement que cette histoire de jeunesse était sans avenir.

Les premières pages en restaient aux griffures des amours juvéniles, celles-ci fouillent plus en profondeur, sondant les failles personnelles qui se soldèrent par des échecs en série. L’homme du « présent », qui surgit au terme d’une autoflagellation en règle, n’a rien d’un sauveur. Il se refuse, lui aussi, à sa manière, sûr de son statut de séducteur. C’est pourtant lui qui permettra à la narratrice de prendre définitivement ses distances avec la « belle histoire d’amour, sans peau et sans goût de l’autre » qu’elle aura vécue pendant trente ans « avec » Jean. Les dernières pages, fiévreuses, qu’on croirait écrites d’un trait, seront le beau récit d’un double et réciproque abandon, d’une conquête charnelle où chacun renoncera à une part de soi pour s’ouvrir aux promesses et aux risques  d’un nouvel amour.

Colombe Schneck : « Sa petite chérie », Stock, 2007

Olivier Eyquem

 
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Publié par le septembre 18, 2011 dans Uncategorized

 

André Markowicz, le soleil d’Alexandre. Le cercle Pouchkine 1802-1841.

Le plus grand écrivain que la Russie ait porté, fondateur de la langue littéraire russe, limpide, précise, insaisissable, poète protéiforme, Alexandre Pouchkine (1802-1841) a lutté durant sa brève existence contre le pouvoir avec ses amis poètes ici représentés, souvent persécutés, arrêtés, emprisonnés, exilés, assassinés. Vivant hors d’haleine, traqués, ces poètes ont accouché dans une état d’urgence empruntant la forme de l’élégie, de l’épître ou de l’épigramme. L’espoir, le deuil, la jeunesse perdue, l’errance et la peine, les rêves impossibles font partie du répertoire de ces hommes qu’André Markowicz a traduit au plus près de l’original. Cela dit, n’a-t-on pas entendu par la bouche du romancier Boris Akounine dire que Pouchkine est intraduisible ? N’a-t-on pas appris par ce grand traducteur qu’est Heinrich von Schliff que la poésie russe passe mieux en allemand ? La poétesse Marina Tsvetaïva, elle-même traductrice, posait une question semblable : « On dit que Pouchkine est intraduisible. Pourquoi ? Chaque poème est la traduction du spirituel et du naturel, de sentiments et de pensées en paroles ». Le plus malaisé dit-elle, « traduire le monde intérieur en signes extérieurs ». Elle finit par noter : « ce qui frise le miracle ! ». En tout cas si miracle il y a, il faut l’attribuer à André Markowicz qui s’emploie dans ses traductions à ne pas monter les textes en épingle. Son mérite : avoir fait passer en français la chromatique russe, le chant des poètes.

Alfred Eibel

Actes Sud, 565 p., 28 €.

 
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Publié par le septembre 17, 2011 dans Uncategorized

 

Embrassez-moi, d’Eric Holder

Fin limier, Eric Holder éclaire brusquement ses jeunes filles, en fait le tour, les dépouille de leurs artifices avant que des mains expertes s’emparent d’elles. Il décompose les envies qu’elles suscitent, celles de follement les aimer, de les aimer à la folie. Elles se prêtent aux titillations les plus exquises débouchant sur un franc plaisir que les maladresses rendent encore plus excitantes. Voilà les jeunes mâles transfigurés en divinités de bois dès que passe une jeunesse trimballant sans crier gare ses attraits à damner un saint. Comme Duchamp sa mariée, Eric Holder dans ses huit tentatives de séduction n’oublie pas les mouvements lents, ni creux, ni les monticules, attentifs aux maladresses de ses filles si émouvantes, s’attachant avec force à ce qu’elles veulent dissimuler à tout prix. Quand ces beautés s’éclipsent, elles laissent derrière elles une marge de désir, des senteurs capiteuses qui réchauffent les sens. Il arrive que le plaisir soit moins abouti que prévu ; il est toutefois abouti. Dans ces brèves de boudoir Holder fait merveille. Il faut le suivre à la lettre car il charge ses impressions de mots rares, de queues de phrases inattendues qui expriment à sa manière la plénitude de ce qu’il veut transmettre. Parler de sexe exige du doigté. C’est pourquoi il jette pudiquement un voile sur les turpitudes de ces charmantes demoiselles pour mieux lever un coin du voile pour une mise à nu inoubliable dont l’issue est un mirobolant feu d’artifice.

Alfred Eibel

Le Dilettante, 224 p., 17 €.

 
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Publié par le septembre 15, 2011 dans Uncategorized

 

Benjamin Franklin : L’art de choisir sa maîtresse et autres conseils indispensables

Parmi ses nombreux mérites, créateur du paratonnerre, père fondateur des États-Unis, rédacteur de la Constitution, imprimeur, journaliste, Benjamin Franklin (1706-1790) était un étonnant satiriste sous des dehors de vieux schnock. Les treize recommandations de ce volume peuvent être prises à rebours. Mieux vaut s’adjoindre une maîtresse d’âge mûr qu’une jeunesse qui vous attirera la réputation de libidineux. Il se peut qu’un homme marié tombe sur un beau-père d’une avarice sordide tout en constatant que sa épouse est un panier percé. Iconoclaste et subversif, tels Defoë et Swift, Benjamin Franklin recommande de ne jamais laisser passer un jour sans discréditer quelqu’un. Toute bonne réputation se doit d’être défaite ; toute femme d’honneur déshonorée. Tenir le crachoir en société est un art qui exige de rabattre le caquet à son entourage en une fraction de seconde. Benjamin Franklin adressait ce type de lettres à des journalistes en se donnant des airs de grand effarouché lorsqu’il apprend qu’une femme flanquée de cinq bâtards risque la prison. Mine de rien il épingle des membres éminents de la Nouvelle-Angleterre estimant que derrière leurs bonnes mines se dissimule une bande de fumistes. Il règle ses comptes laissant le lecteur médusé. Quand un raisonnement est tiré par les cheveux c’est qu’il fait mal.

Alfred Eibel

Finitude, 111 p., 13,50 €.

 
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Publié par le septembre 2, 2011 dans Uncategorized