
Rym Sellami et Alfred Eibel
Alfred Eibel : « Dans la rue avec Jean-Pierre Martinet »
Éditions des Paraiges
4, rue Anatole Tastu – 57000 Metz
contact @editions-des-paraiges.eu
114 p., 13 €
Au départ on se voit dans un roman de Jacques de Lacretelle. Après vingt-cinq ans d’absence, Laurent Campanelli est invité à passer le week-end chez son vieux camarade de fac dans la grande bâtisse de son frère Yvon au cœur des montages savoyardes. Mais le temps est un vilain rongeur. Quand le verni saute, les écarts se creusent. Avoir de la fortune crée quelques agaceries. L’amitié du temps passé se mue en affection. Pourtant Laurent est content de revoir son ancien ami. C’est un mystère pour personne que les souvenirs sont la plupart du temps enguirlandés. Bon accueil de Michel, son frère Yvon, leur sœur Flore avec laquelle au bon vieux temps Laurent entretenait une liaison. On quitte l’univers de Lacretelle pour entrer dans un climat propice à la camaraderie à la montagne par grand froid. Les couples se chicanent, les récriminations prennent leur essor. Jusqu’à présent l’alcool dans les romans d’Olivier Maulin rapprochait les amis. A présent, il accroit les tensions, les invectives, les anicroches, la jalousie, tandis que se multiplient les menaces. Nous voilà embarqué dans un roman d’Ivy Compton-Burnett. Chacun fait valoir son autorité. Cependant, quelque chose bouge lorsque Flore glisse un billet aguicheur à Laurent qui n’en espérait pas autant pour venir la rejoindre à trois heures du matin dans sa chambre. L’amour corruptible ne connait plus de limites jusqu’à ce que les amants d’un soir soient pris en flagrant délit. Suit une bagarre d’une rare violence dans la cave. Nous voilà embarqué dans un roman d’Anne Radcliffe avec des phénomènes d’une forme singulière du fantastique. Olivier Maulin nous aura bien eu. Du coup, son histoire prend une nouvelle dimension lorsque le lecteur s’empresse de relire Les retrouvailles pour découvrir ce qui lui avait échappé à la première lecture.
Alfred Eibel
Editions du Rocher
183 p., 17,90 €
Un ami et chanteur, Jean-Claude Balland cherche se défaire de 45 volumes et additifs d’Edouard Charton de Le Tour du Monde (1870-1912 inclus). Manquent 1913-1914. La reliure est homogène, couleur marron foncé dos cuir. A quoi s’ajoutent quelques volumes annexes aujourd’hui introuvables. Nombreux dessins. Chaque volume pèse entre 3 à 4 kilos. Prix à débattre.
Téléphoner et laisser un message : 06 03 49 54 25.
Ce livre d’entretiens surprendra sans doute les jeunes cinéphiles qui n’auraient pas entendu parler de Pierre Rissient et ignoreraient les multiples activités que celui-ci mène depuis soixante ans. L’homme, cinémane infatigable, éminence grise et entremetteur prolixe, accessoirement scénariste et réalisateur, s’est démené sous toutes les latitudes pour la cause du 7ème art, a hanté tous les festivals, et connu tous ceux qu’il importe de fréquenter dans le monde du cinéma. Celui que son ami Clint Eastwood a surnommé « Mr. Everywhere » possède de multiples cordes à son arc, et tant de visages qu’il a choisi… Robert Redford pour l’incarner en couverture.
C’est peut-être en commençant par l’attachant récit de ses années de jeunesse qu’on saisira le mieux sa personnalité. Le besoin de convaincre le lecteur n’ayant pas encore émergé en lui sous la forme impérieuse, catégorique, qu’il prit souvent, nous découvrons avec plaisir un lecteur omnivore, passionné de poésie, dont nous nous demandons finalement si ce n’est pas davantage en poète (frustré ?) qu’il a souvent appréhende le cinéma, plus sensible à ses fulgurances qu’à la rigueur de ses architectures scénaristiques, à la cohérence du jeu, etc. Un attachement fervent, mais jamais clairement défini à la « mise en scène » a constitué l’alpha et l’oméga du « macmahonisme ». Rissient fut la figure la plus active de cette mouvance (école, secte, chapelle ? je vous laisse le choix)dont l’influence serait restée infinitésimale sans son éloquente conviction. Plus que par des écrits ou un travail critique suivi et structuré, c’est par la parole que Rissient amena la critique française (ou plutôt parisienne) à s’intéresser à quantité de cinéastes que celle-ci sous-estimait ou méconnaissait. Les plus évidents furent Walsh, Preminger, Losey, le Lang américain. Le travail accompli à cette époque ne saurait être contesté. On l’apprécierait encore plus s’il ne s’accompagnait de rejets abrupts qu’il serait fastidieux de lister (Hitchcock et Welles sont deux exemples notoires du bêtisier macmahonien où l’on voit aussi ériger en chef-d’œuvre « Les Aventures d’Hojji Baba ».)
Devenu attaché de presse, Pierre Rissient accomplit avec Bertrand Tavernier un travail considérable qui ne devrait pas occulter celui, bien plus structuré et argumenté d’un Simon Mizrahi pour le cinéma italien, ou de Jean-Claude Missiaen. Aujourd’hui, l’information passe par d’autres canaux que la presse écrite, et la cinéphilie se nourrit ailleurs. Elle est plus dispersée, mais peut juger sur pièces, et s’en laisse moins aisément conter. Adieu, gourous d’antan un rien terroristes, adieu, chapelles et batailles d’Hernani… Une page s’est tournée, et c’est avec un sourire indulgent que nous saluons cet âge héroïque dont Rissient demeure une figure clé. Nul ne peut blâmer celui qui s’attache à faire aimer découvrir…
Olivier Eyquem
Pierre Rissient : MISTER EVERYWHERE. Entretiens avec Samuel Blumenfeld, avec la participation de Marc Bernard. Préfaces de Clint Eastwood et Bertrand Tavernier. Institut Lumière/Actes Sud, 2016, 23 €