RSS

Archives Mensuelles: décembre 2011

LIVRES À OFFRIR… Quelques suggestions des CHRONIQUES

E. M. Cioran : Œuvres, Gallimard, La Pléiade

Un pessimisme roboratif

Juan Filloy : « Op Oloop », Éditions Monsieur Toussaint Louverture

Acide, vif, mordant, âpre

« Hors Commerce », collectif rassemblant 66 auteurs aux éditions du Sandre, dont : Maurice Chappaz, Joseph Delteil, Bernard Delvaille, Georges Haldas, Jean Grosjean, Jean-Marc Lovay, Daniel Mainwaring, Albert Maltz, Yves Martin, Jean-Pierre Martinet, Georges Perros, Fernando Pessoa, Jim Thompson, Dalton Trumbo, Alexandre Vialatte.

Dashiell Hammett : « Roman », Gallimard / Quarto

Victor-Emmanuel Michelet (1861-1938) : « Contes surhumains », Éditions du Visage Vert

Ésotérisme et symbolisme

Italo Svevo : « Œuvres », Gallimard/Quarto

Tram à Trieste et mélancolie

Manotti-Doa : « L’honorable société », Gallimard/Série Noire

Dominique Manotti : « Bien connu des services de police », Folio/Policier

Quelques reprises à se remettre en mémoire…

Daniel Apruz : « L’an deux mille », Éditions Méréal

La déroute que nous subissons

Erskine Caldwell : « Nous les vivants », Gallimard

Claude Houghton : « Je ne suis pas Jonathan Scrivener » (Buchet-Chastel, préface de Henry Miller) et « Changement à vue » (Editions Begh)

L’art d’envelopper le mystère

Maurice Cury : « La barbarie sans visage », Éditions Le Temps des Cerises »

Le fric à l’échelle mondiale

Alfred Eibel

****

Et aussi…

Côté cinéma : « Lang au Travail », de Bernard Eisenschitz, Éditions Les Cahiers du Cinéma

Une somme documentaire sans précédent

Pour les enfants, mais pas seulement :

Edward Gorey : « La Bicyclette Épileptique », Éditions Le Promeneur

Du merveilleux conteur et illustrateur nonsensique

Jean-Loup Chiflet : « The New Yorker – L’Humour des Femmes », Éditions Les Arènes

Après « The New Yorker – l’Humour des Chats », « The New Yorker – Les Meilleurs dessins sur la France et les Français », etc.

Olivier Eyquem

 

 
Poster un commentaire

Publié par le décembre 26, 2011 dans Uncategorized

 

Pour Genevoix, de Michel Bernard

A quinze ans, Michel Bernard découvre les récits de guerre de Maurice Genevoix (1890-1980) et ses souvenirs d’ancien combattant rassemblés en cinq volumes sous le titre Ceux de Verdun (1916-1923). C’est plus qu’une révélation, cette lecture conditionne son attitude vis à vis de la littérature, qui se justifie, dit-il, si elle donne le sentiment d’une puissance palpable, c’est-à-dire s’appuyant sur une nécessité absolue. Des années plus tard, reprenant cette lecture Michel Bernard ressent semblable urgence, le pouvoir d’approcher les personnages pris de frisson et de peur, d’entraîner le lecteur au combat, de l’amener aux éboulis, de faire voir les soldats pétrifiés dans leurs derniers gestes par un obus ; d’entendre siffler les tirs invisibles ; d’imaginer les morts en boule pelotonnés à d’autres morts ; d’éprouver ceux qui n’eurent pas la chance de sauver leur peau pris au piège d’une guerre de position dans les tranchées des agonies. L’œuvre entière de Maurice Genevoix crée chez Michel Bernard une adhésion totale. Il suit pas à pas l’itinéraire d’une vie, ce qui lie Genevoix à son pays de Loire, sa tendresse pour les gens, les bêtes, les landes, les étangs. Pour Michel Bernard, cela veut dire sentir venir à soi les mots dans leur plénitude, sauver un pan de l’histoire de France ; considérer la nostalgie comme un ferment. Tout cela était concevable grâce à l’école, à une époque où l’on apprenait le monde réel, l’école n’étant pas encore là pour panser les plaies. On perçoit dans ce livre hommage que le bel aujourd’hui n’est plus ce que nous vivons.

 

Alfred Eibel

 

La Table Ronde, 200 p., 16 €.

 

 
Poster un commentaire

Publié par le décembre 26, 2011 dans Uncategorized

 

On ne tue pas les gens, de Alain Defossé

Un homme est témoin d’un meurtre. C’est le silence. Dix années plus tard, il revoit dans une émission « Faites entrer l’accusé » cette affaire qui pour des raisons compliquées lui a imposé silence. Cet homme n’est autre qu’Alain Defossé qui refait l’itinéraire qui l’a amené à se taire, une histoire que n’aurait pas désavoué Simenon. La province en général, Chateaubriand en particulier, autrefois déployait ses attraits. Les années ont vidé cette ville de son sang faisant d’elle un corps anémié. Dans un bar appelé La Louisiane se pressent les rescapés qui n’ont pas connu le petit faste des lointains souvenirs. Ils se retrouvent dans une époque sans magnificence, fils d’une campagne perdue envahie par les fauves prêts à fracturer la quiétude campagnarde. Alain Defossé recompose ses souvenirs, découvre les mauvais plis de la ville. A sa manière il cherche à recréer « une famille fictive autour des cafés ». Turcs et manouches sont la plaie des mois d’été. Les rustauds du coin profitent du bar pour causer autour d’une bière. Didier vient de reprendre La Louisiane, un ami de l’auteur. Le poids du ciel n’annonce rien de bon. Le drame éclate, le corps d’une jeune fille vient d’être retrouvé. La ville stupéfaite, devant un crime inimaginable. Mais avant d’en arriver à ce surprenant fait-divers, Alain Defossé dévoile son caractère, nous inclut dans cette atmosphère qu’il distille. On quitte ce noir dessin à regret.

 

Alfred Eibel

 

Flammarion, 140 p., 13 €.

 

A paraître début janvier 2012.

 

 
Poster un commentaire

Publié par le décembre 26, 2011 dans Uncategorized

 

Un assassin est mon maître de Henry de MONTHERLANT (Gallimard) Roman impossible, par Alfred EIBEL

Peut-on être un fonctionnaire rassis, distingué par-dessus le marché, sans être ridicule ? Pourquoi ce fonctionnaire tantôt en poste à Oran, tantôt à Alger serait-il un cas pathologique, c’est-à-dire peu susceptible de s’améliorer ?

Comment l’auteur des Olympiques, chantre de l’énergie et du sport, en est-il arrivé à consacrer tant de pages à des personnages minables, au caractère inexistant, à l’esprit étriqué ; des personnages pour lesquels le lecteur ne ressent pas de sympathie ; que jamais il n’eut souhaité rencontrer ?

Pour son dernier roman qui date de 1971, Montherlant se penche sur un type d’individu célébré avec Les célibataires.

Nous sommes en 1928 à Alger. Une ville peu attrayante, sale, où la jeunesse ne cesse de brailler ; une ville qui inspire l’horreur, du moins pour Exupère, ancien élève de l’école de Chartres. D’abord bibliothécaire à Oran qu’il finit par exécrer, ce qui l’amène à faire des pieds et des mains pour être muté à Alger.  Son chef de service, Saint- Justin, chartiste également, appartient à cette catégorie de gens qui ont réponse à tout. Une grande gueule. Un homme qui regarde passer les événements comme les vaches regardent passer les trains. Un homme pour qui les faits sont ce qu’ils sont, qu’il n’y a pas à tortiller. Que rien dans la vie mérite qu’on s’y attarde. Cet homme est à l’opposé de Exupère qui est un maniaque consciencieux, atteint du délire de persécution, inquiet, hésitant, sujet à des préoccupations médiocres, victime de sa sensiblerie qui le met en position d’infériorité par rapport à Saint- Justin.

On fait la connaissance d’un troisième larron, ami d’Exupère, nommé Colle d’Epate, ancien légionnaire, charlatan, maquereau et voleur. Dans ce groupe de hâbleurs cocardiers, Exupère se sent de trop. Traité plus bas que terre par Saint-Justin, qui y met les formes, Exupère, pour échapper à son emprise s’embarque dans une aventure avec Sophie, une petite pute innocente qu’il aime parce que peu loquace, parce que socialement située plus bas que lui, ce qui crée des liens. Les salaires n’étant pas des plus formidables, il arrive à Exupère de s’adresser à ceux qu’il considère comme ses amis de lui prêter de l’argent en attendant que tombe sa paie, constatant en passant que les amis de nos amis sont parfois nos ennemis. Cette quête du fric nous plonge dans le sordide. Les interlocuteurs d’ Exupère se révèlent chipoteurs, sinon cupides ; on s’aperçoit que la crapule se distingue d’abord par un sourire. Plus le temps passe, plus Exupère ressemble à un de ces personnages familiers de l’univers de Nicolas Gogol, éternel souffre-douleur, battu d’avance, prenant peu à peu conscience de l’inconsistance de son caractère, imaginant qu’une cabale s’est formée contre lui. Exupère est le type d’homme que l’on gruge sans vergogne. Invité à déjeuner par un prêteur, celui-ci en fin de repas charge Exupère de régler l’addition.

S’inclinant devant les brimades, les humiliations de Saint- Justin, Exupère se retrouve dans la posture du pénitent qui en redemande, se prosterne, espérant à défaut d’être oint, la rémission de ses péchés, de ses carences, de ses défaillances. Expier, expier à nouveau est le lot de cette âme fragile ; la flaccidité de cette âme soumise aux piques acerbes qui de par leur nombre fait penser à Saint Sébastien percé de flèches.

Le milieu des fonctionnaires français d’Alger n’a rien d’enthousiasmant. La petite promotion de l’un d’entre eux fait grimper sa vanité. La plupart se croient investis d’une mission. Leur langage stéréotypé révèle à quel point ils méprisent les autochtones, leurs collègues, toujours prêts en bons scouts, prêts à renier ce qu’ils ont affirmé la veille. Dans cette ambiance délétère, Exupère apparaît tel un mystique, flagellant dirait-on d’un occident médiéval. La terrible fin du livre montre sans ambiguïtés qu’Exupère est, comme on dit, preneur de souffrances.

Nous ne sommes plus dans la mouvance des Célibataires. Nous sommes dans un guide de voyage en Algérie dont Henry de Montherlant est le cicerone. Il nous renseigne sur ses personnages, intervient dans la narration, rectifie un détail pour affirmer la véracité de ce détail, par une note en bas de page. Il démontre, il est le détective de sa propre narration. Il engage une réelle filature. On peut se demander si en écrivant, Montherlant ne se rappelait pas le temps où arpentant les rues d’Alger il se sentait filé.

Il accumule les raccourcis, progresse dans la connaissance de ses personnages, dans l’entassement des caractéristiques, dans la diversité de leurs réactions, dans la mobilité de leurs corps, dans le couinement du désir. De l’intrigue, on dirait qu’il se fiche. Ce qui l’intéresse, guetter le réflexe de ses personnages, mettre en lumière la pauvreté de leurs délibérations, grossissant le trait pour souligner leurs futilités. Montherlant ne lâche pas la bride ; au contraire, il arbitre, intervient dans la narration, procédé qu’il avait déjà utilisé dans Les Auligny, plus tard dans La rose de sable. Il tient à justifier le comportement de ses héros. Ces justifications  à répétition n’ont d’autre raison que de faire admettre la crédibilité de ce qu’il raconte ; extrapolant si nécessaire, ayant recours à des citations pour consolider ce qu’il avance. Montherlant quitte les structures du roman traditionnel.

Son écriture s’accélère ; il enchaîne les images, les considérations ; fait part au lecteur d’une remarque, corrigeant cette remarque. Il veut être clair, précis, bref, vigoureux, ce qu’il nomme « les qualités impériales ».

Il ne cesse d’accabler Exupère, ce fonctionnaire pauvre et par conséquent nauséabond, la pauvreté étant synonyme d’écœurement ; du moins est-ce ainsi qu’il dépeint Exupère lorsqu’on le flatte, lorsqu’on le réprimande. Exupère peut se sentir terriblement blessé suite à une remarque anodine. Du coup on se souvient que Montherlant racontait lors de son passage à Grasse avoir été mal accueilli à l’hôtel, se sentant soudain blessé au point de se » coucher sur le lit enveloppé dans son manteau. La figure de Sophie, personnage rédempteur, fait partie de ces adolescents qu’on trouve dans un grand nombre d’œuvres de Montherlant.

Pour terminer, disons qu’on a affaire à un genre inclassable qui ne tient plus compte de ce que devrait être un roman traditionnel, qui fait sauter les codes, et c’est parce qu’il en est ainsi qu’on peut dire que Montherlant inaugure à sa manière une sorte de nouveau roman.

Montherlant donne l’impression de s’être servi de ses carnets de voyages, notes brèves qui mises bout à bout forment la trame de ce qu’il veut exprimer par le biais d’une écriture qu’on peut qualifier de royale.

 

Alfred EIBEL

 
1 commentaire

Publié par le décembre 22, 2011 dans Uncategorized

 

Noa Noa, de Paul Gauguin

Grâce au libraire Sylvain Goudemare, Noa Noa, récit introuvable, enfin accessible. Il garde la saveur des îles de Tahiti si improbable à transmettre à un lecteur autrement que par la palette du peintre ce que tente Gauguin (1848-1903) : faire épouser ses impressions d’un monde authentique pour subjuguer celui qui le lit, faire appel à ses sens, traduire les vibrations qu’il ressent lors de ses séjours à Tahiti. Ne plus entendre parler de civilisation, c’est le désir fort de Gauguin, rejoindre le bonheur du primitif, ne plus réagir à l’exemple de ces sceptiques que la civilisation occidentale a façonné. « Tout est beau – tout est bonté – tout est clarté » note un de ses amis le poète Charles Morice (1861-1919) à propos de ce récit. Gauguin découvre ce qu’il n’imaginait pas, « une île heureuse, terre délicieuse » où l’éclat des visages inspire le peintre. Vivre pleinement, veut dire accepter les heures fraîches, réveiller les esprits, réveiller les dieux, partager l’amour avec des jeunes tahitiennes. Leur présence crée la magie des lieux qui pousse Gauguin à s’abandonner aux sortilèges des îles. La béatitude c’est cela que cherche à traduire Gauguin par des mots, par des émanations soudaines de lumière. Sa vie est des plus compliquées nous rappelle Sylvain Goudemare dans sa préface, un modèle du genre, qui raconte les tribulations du manuscrit de Noa Noa et les infortunes du peintre. On apprend à connaître son caractère déroutant. Gauguin écrit : « tout fut tranquille, tout le monde heureux, joyeux et pas mal ivre ». Il rêve à ces jeunes filles à l’œil tranquille qui n’ont pas besoin de discours pour capter les âmes.

Alfred Eibel

Editions Bartillat, 135 p., 10 €.

 

 
Poster un commentaire

Publié par le décembre 18, 2011 dans Uncategorized

 

Mémoires d’un snobé, de Marin de Viry

Il fallait qu’un jour quelqu’un s’en prenne au microcosme littéraire, à ses pompes et à ses œuvres ; plus justement, il convenait de trouver une plume qui excellât dans la satire et sache mettre les rieurs de son côté. Avec Marin de Viry on a trouvé le bon candidat capable de vérifier que là où l’on brasse du vent, on déclare rarement la tempête. Napoléon, Houellebecq, Iggy Popp, Marc Lambron parmi d’autres réputations appartiennent au grand chapiteau qu’en meneur avisé Marin de Viry anime de son ironie distanciée. Il existe à Paris des lieux sacrés où se concentrent les hommes de plume, un cénacle de malins avec le dessein d’éprouver l’être et le néant. Si l’on comprend bien ce que veut un écrivain, c’est la reconnaissance et l’argent qui l’accompagne ; vivre vieux, en bonne santé, de préférence faire partie de plusieurs prix littéraires ; fréquenter les lieux de perdition où tous les chats sont gris, s’en payer une bonne tranche, rencontrer des filles expansives au sourire séraphique ; des lieux où l’on peut enfin se lâcher ; là où le sens de la répartie s’assimile au lance-flamme ; là où l’on n’adhère plus à grand chose hormis le rire ; là où l’on est spirituel à s’en faire péter les neurones ; là où le persiflage est de rigueur ; là où les émules de Vincent Voiture attendent le grand moment, le nirvana, l’instant où tous s’agrègent, se congratulent, se repassent le sésame ou passent la main dans le dos. Le snobé insiste, veut à tout prix faire corps avec ces bons apôtres. Baratineurs, derviches tourneurs savent comment envelopper le public ; par le style, ce mot magique, labellisé, qui permet d’introduire en contrebande une marchandise parfois faisandée. En attendant, rendons justice à Marin de Viry, à sa légèreté, à l’acuité de son regard, à sa clairvoyance. L’accompagner jusqu’à la dernière page de son livre garantit la bonne humeur du lecteur.

Alfred Eibel

Pierre Guillaume de Roux, 205 p., 18 €.

 
Poster un commentaire

Publié par le décembre 18, 2011 dans Uncategorized

 

Milieu hostile, de Thierry Marignac

Septième roman du cycle « russe » inauguré par Thierry Marignac en 1988. Livre difficile à résumer. Une kyrielle de manèges, de poursuites infernales le compliquent. Nous suivons le vagabondage du bonhomme Dessaigne, facilitateur pour ONG en Russie, ex-traducteur, etc., entre Paris, la Russie et l’Ukraine. Russes et Ukrainiens sont à couteau tiré, ont des comportements d’ivrogne. Dessaigne dans ses bottes de sept lieues franchit baratineurs, marchand de fruits frelatés, combinards qui se sucrent au passage dans une Europe de trafiquants de produits pharmaceutiques. On se bouscule pour se raccorder au marché le plus juteux. On est cupide, c’est vrai, mais en respectant les formes démocratiques. Pendant ce temps, les coups de pied de Vénus dans une Ukraine rongée par les maladies vénériennes. Quand des individus accourus de partout se mettent à la contrebande, se fraient un chemin dans un espace en décomposition, affrontent des clochards biberonneurs, on peut parler de mondialisation. Quant à l’amour, il s’exécute en hâte, entre deux soucis qui pointent à l’horizon. Parmi les hippogriffes, arrive Ira, « sirène éthylique, femme éponge des grands fonds de bouteille », égérie se dressant au centre des survivants d’un enfer de vidange, taillé dans une prose à burin. Sévère et terrible, sans tendresse, selon Edouard Limonov, Thierry Marignac fait circuler le sang dans une réalité aux allures de fiction où le slave se cabre « devant les diktats de la post-démocratie de l’union européenne du XXIème siècle ».

Alfred Eibel

Editions Baleine, 279 p., 16 €.

 
Poster un commentaire

Publié par le décembre 13, 2011 dans Uncategorized

 

Le Gouverneur d’Antipodia, de Jean-Luc Coatalem

Ce parfait voyageur décide d’aller sur l’île d’Antipodia (terre australe, île oubliée) pour s’éprouver. Le voyage, dit-on, installe le voyageur dans une nouvelle peau. Arrivé à destination la mue est complète. On revêt le personnage dont on a rêvé ; à bâbord, sabre au clair ! On vient de lâcher les amarres. « Antipodia passe dans notre sang, s’incorpore à nous, nous délivre son énergie » écrit Coatalem. Le voyageur veut maîtriser les éléments, désencombrer l’horizon, alterner bonheurs et déplaisirs. Si la réminiscence est comme l’ombre du souvenir, si l’on en croit Joubert, elle peut aussi se fortifier au gré des jours. Imprécateur, le voyage l’est forcement. Ne pas oublier que « chaque imager est dissoute par la suivante ». Coatalem raffermit ses sensations, s’expose aux blocages, aux innumérables possibles. Il fait ses choux gras de ses contradictions, se fabrique des masques, feinte comme un mousquetaire. Il travaille dans le sec, l’incisif, par conséquent dans le vivant. A Antipodia il ne cesse de s’agréger. « Longtemps, j’ai aimé rester dans les nuées, les vents, les brumes et les coups de chien et la meute des nuages noirs ». On bascule du côté de Saint John Perse, on se souvient des Vents. Coatalem maîtrise les beautés miroitantes. Il est le naufragé de sa propre aventure, son encabanage personnel. C’est la liberté du corps qui fortifie le voyage. Le rêve enfin réalisé ne contredit pas la reconnaissance de ce rêve. Le halètement de sa prose, sa respiration, donne bon train à son écriture, bannière au vent, faisant de ce petit livre le bagage accompagné des amoureux du voyage.

Alfred Eibel

Le Dilettante, 192 p., 15 €.

 
Poster un commentaire

Publié par le décembre 13, 2011 dans Uncategorized

 

Don Quichotte, de Cervantès

Les traductions du Quichotte abondent. Sans se coller au plus près de l’original au point que la traduction se découvre laborieuse ; sans aller jusqu’à l’agrément d’une belle infidèle, Francis de Miomandre (1880-1959), écrivain, distingué a rejeté les archaïsmes, procurant au lecteur une traduction résolument moderne sans trahir l’esprit de Cervantès. L’interprétation du roman varie selon qui s’y attache. Pour t’Serstevens, Cervantès oppose « les conflits décevants de la réalité et de la poésie ». Jean Canavaggio parle du « mentir vrai » où réside l’essence de toute fiction. Le renouvellement constant au gré des situations est une des qualités premières de Cervantès. Loin d’apparaître aujourd’hui comme un homme égaré par les mythes, le chevalier à la triste figure est un homme de courage, de foi et d’entrain, un homme d’honneur, d’une bravoure sans égale au combat. Miguel Torga, l’écrivain portugais, écrivit : « Don Quichotte monte son cheval, enfile son heaume, saisit sa lance, entraîne Sancho et s’entraîne aussi ». Un roman où le lecteur n’est pas entraîné pareillement aux personnages n’est pas le meilleur. Les traits physiques de Don Quichotte : teint basané, costume étriqué, « sens de l’odorat aussi vif que celui de l’ouïe ». René Pélissier, l’africaniste spécialiste du Portugal et de l’Espagne, lecteur du Quichotte dans sa traduction de Francis de Miomandre, a publié Don Quichotte en Afrique. Parti en idéaliste, la réalité entame l’imaginaire de l’auteur. Et comme Don Quichotte il se découvre et découvre ce qui est réellement tangible.

Alfred Eibel

Bouquins/Robert Laffont, 1024 p., 30 €.

 
Poster un commentaire

Publié par le décembre 2, 2011 dans Uncategorized

 

Fritz Lang au travail

Ouvrage monumental à partir d’archives restées inédites concernant Fritz Lang (1890-1976), de ses premiers pas jusqu’à son dernier film en Allemagne en 1958. Il rend obsolète les interprétations parfois délirantes de l’œuvre du cinéaste et peu sérieux celles de ses exégètes confondant la vie personnelle de Lang avec les sujets de ses films. Bernard Eisenschitz souligne : « Le Lang américain n’est pas le Lang allemand. Le démon du crime inspiré des feuilletons qu’est Mabuse est devenu le démon en nous » allusion au roman de Jim Thompson intitulé : Le démon dans ma peau. Esquisses, dessins, illustrations, photos, croquis de scènes à faire, notes en marge des scénarios, le livre illustré l’aspect monomaniaque du grand cinéaste. « Lang unit la démesure et l’énergie d’un peintre de la Renaissance ». Ses films baignent en permanence dans l’ombre. Ils donnent à voir l’homme dans la société qu’un gouvernement est supposé maîtriser, échappant pour l’essentiel à son contrôle, laissant le crime, l’espionnage prospérer. Lang en embuscade guette les faux pas de l’homme et de la femme, rendant acceptable le dédoublement de la personnalité. La carrière du cinéaste aussi bien en Allemagne, davantage en Amérique, est empreinte d’amertume, de chagrin, de conflits en pagaille. Lang n’a pas un caractère facile ; ce n’est pas un homme de compromis. Ses films traduisent une Amérique moderne passée au tamis d’un esprit germanique. Dans la représentation qu’il fait de la société, de ses structures, il réutilise certaines scènes qui ont servi dans ses premiers films allemands, adapté au monde américain. Ce qui compte pour lui remarque Bernard Eisenschitz, c’est « l’image plutôt que la psychologie ». Ce génie connaît une fin plutôt douloureuse. Indigent et aveugle, fatigué, il apparaît dans les derniers jours de sa vie semblable à un dieu de l’Olympe tombé de son piédestal.

 

Alfred Eibel

Editions Les Cahiers du Cinéma ; 272 p., 380 illustrations couleur et noir et blanc, 59, 95 €.

 

 
Poster un commentaire

Publié par le décembre 2, 2011 dans Uncategorized