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Archives Mensuelles: décembre 2015

0ù est passé mon Damâvand ? Une pianiste iranienne face à l’exil, de Pari Barkeshli

A .t’Serstevens a écrit un roman intitulé L’amour autour de la maison. Le livre de Pari Barkeshli rejoint ce titre. Nous sommes à Téhéran. L’héroïne, Chahrbanou, est institutrice. Ahmad, un homme aux multiples facettes, c’est son mari. Beaux parents, belles sœurs, beaux frères, vivent sous le même toit. La vie tranquille semble compromise. Brusquement, Ahmad décide de divorcer ; non, plutôt répudier sa femme. Il se rend à Paris pour soutenir une thèse de doctorat. Son ex-épouse affronte les tourments, bénéficie de soutiens, emménage dans une nouvelle maison alors qu’elle est enceinte. Sa fille nommée Rohshanak sera plus tard musicienne suite à un parcours aux angles alternativement saillants et rentrants ; suite à des difficultés à n’en plus finir ; se heurtant aux us et coutumes d’une vieille civilisation, autant d’entraves à la liberté ; un frein, dès lors que Chahrbanou tente un pas de clerc. La complexité des rapports entre les personnages de ce livre tient précisément aux multiples pierres d’achoppement. En prenant de l’âge, Chahrbanou fait preuve d’une détermination peu commune pour se soustraire à des périls qui ne cessent d’augmenter. Roman picaresque, en partie autobiographique, l’auteur étant pianiste, il raconte les difficultés d’une société qui se cherche plutôt qu’elle ne se trouve, et qui au bout du compte amène mère et fille à quitter Téhéran pour s’installer à Paris. Ce livre rapporte un pan entier de l’histoire de l’Iran, du Shah et de son pétrole, sa modernité qui dissimule les pattes d’oie d’un monde en déliquescence. Après le départ du Shah, la république islamique. Cette fois, mère et fille ont définitivement dit adieu à Téhéran. Elles sont à Paris, sans racines, sans repères, sans souvenirs.

L’auteur se distingue par son agilité, la simplicité de son écriture. Il nous fait connaitre les plis et replis d’une existence douloureuse. Le Damâvand du titre symbolise la résistance du peuple iranien contre les invasions. L’essentiel est toutefois sauvé : le monde mystérieux de la musique et son interprétation.

Alfred Eibel

L’Harmattan

283 p. 23 €.

 
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Publié par le décembre 30, 2015 dans Uncategorized

 

La France de Jean Yanne, de Dominique de Roux

J’ai rencontré Dominique de Roux (1935-1977) à Lausanne peu avant sa mort. De son point de vue, l’édition n’était plus ce qu’elle était. La France manquait de rebelles. Il rêvait de brochures qui, en quelques pages, poussent le plus loin possible l’indignation. Dans La France de Jean Yanne il dénonce le recyclage de conceptions rebattues, les citoyens se soumettant à n’importe quel système intellectuel, à la facilité qu’ont les Français d’absorber sans discernement les platitudes mesquines, lieux communs, fausses témérités, leur absence de réflexions à croire qu’ils urinent du cerveau. Au cours de ses assauts répétés dans ce livre, il parle d’une « France gribouillée ». Sentait-il qu’il lui fallait gagner du temps ? Son livre aux lancés de préceptes, de principes, son scepticisme et son indifférence de grand seigneur, font de cet essai un viatique permettant, c’est le moins que l’on puisse dire, de supporter « l’Occident des carnassiers et des caciques » autrement dit supporter leurs sottises, leurs crédulités, leur âpreté au gain, le tout hissé à un mât de cocagne politique. On découvre ici un provocateur à l’ironie sous-jacente, parfois avec un sens caché, indigné qu’il est par ceux qui défilent pour mieux se défiler, constatant que toute révolution se retourne immanquablement contre ses thuriféraires. À ce livre indispensable qui détricote les idées reçues, nous recommandons son complément Immédiatement qui accentue encore sa rupture avec la société. Grand pamphlétaire, Dominique de Roux, sourcier et aventurier, éditeur, libre de toute dépendance, apparaît aujourd’hui comme un homme d’une grande actualité dans un monde où domine la grande charcuterie littéraire.

 

Alfred Eibel

Pierre Guillaume de Roux Éditeur

Préface de Richard Millet

179 p. 19,50 €.

 
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Publié par le décembre 30, 2015 dans Uncategorized

 

Sinatra confidential, showbiz, casinos, mafia, de Shawn Levy

Randonnée sur le chemin sinueux de la vie de Frank Sinatra (1915-1998). Chanteur incomparable, obsédé par les femmes, impulsif, bagarreur, porté aux nues par des groupies aux socquettes blanches qui éprouvaient un plaisir sensuel en l’écoutant chanter. Mais Sinatra avait d’autres cordes à son arc. Il s’entourait de mecs la dalle en pente, de bavards, de joueurs, de gangsters au point que l’ouvrage de Shawn Levy ressemble fort à un bottin mondain de la Mafia. De New-York à Miami, de Los Angeles à Las Vegas Frank, telle une comète, trainait derrière lui Frank Costello, Carlo Marcello, Santo Trafficante au nom prédestiné, Lucky Luciano, tueurs et hommes d’affaires comme le très influent Sam Giancana surnommé « le Pitre », les mains plaquées sur les tables de jeu de La Havane, ne craignant ni John Edgar Hoover, ni Kennedy, prêt à tabasser un opposant. L’opposant en question, on le retrouvait généralement en morceaux dans un bidon d’essence. Avec Sammy Davis Jr., Peter Lawford, Dean Martin, ils créent le Rat Pack. Les innombrables pots de vin s’entrechoquaient dans les casinos. Comment distinguer putes et petites amies. La sincérité s’exprimait avec les pieds, le visage, les mains. On se retrouvait entre copains dans les parties fines, dans les partouzes et dans les numéros d’équilibriste dont Sinatra était le champion. La vulgarité contenue pouvait enfin donner sa pleine mesure dès lors qu’on se trouvait en haut de l’affiche. Le pognon d’abord, le frou-frou ensuite. Les fauchés, les ratés étaient superbement méprisés. Avoir des démêlés avec la justice valait bien un Oscar. Sam Giancana s’était fait faire des cartes de visite qu’il distribuait autour de lui. Sinatra et ses affidés auraient pu en faire autant. La carte était ainsi libellée : pas d’adresse/ pas de téléphone/ pas d’entreprise/ pas d’argent/ retraité. La singularité de ce livre souligne une évidence : la dépendance réciproque entre l’État, le monde du spectacle, la Mafia, la finance, l’impunité absolue et les gonzesses en rade.

Alfred Eibel

Éditions Rivages, 364 p.22 €.

 
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Publié par le décembre 3, 2015 dans Uncategorized

 

My favorite things 2015 (Alfred Eibel)

L’enfant du bonheur et autres proses pour Berlin, de Robert Walser.

« L’écrivain écrit sur ce qu’il éprouve, entend, voit, ou sur ce qui lui vient à l’esprit. Il est d’ordinaire en but à une quantité de pensées mesquines dont il ne peut rien faire du tout, ce qui souvent le désespère. D’un autre côté, il aurait parfois en tête une foule de choses utilisables, mais il lui arrive de laisser ses propres capitaux en friche pendant des années […] »

Éditions Zoé, 304 p. 21,50 €.
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Boulevard Saint-Germain, de Gabriel Matzneff.

« À l’époque où Jacques Perret habitait rue de l’Ancienne-Comédie, nous allions souvent boire un punch à La Rhumerie. Je n’ai jamais compris qu’il eût quitté cette rue si amusante pour la rue Buffon une des plus lugubres de la rive gauche ».

La table Ronde/ La Petite Vermillon, 209 p. 8,70 €.
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Greffe mortelle, de Marc Agapit.

« J’étais en train de rêver que mes ennemis me crevaient les yeux et qu’un savant, pour me rendre la vue, ne trouvait rien de mieux que de greffer ma cervelle sur un corps de singe. Après l’opération, je me regardais dans une glace, et puis je me pendais à un arbre ».

Édition présentée par le romancier Philippe Vasset, Éditions Mille et une Nuits, 172 p. 4,50 €.
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Portugal et Afrique Pacifique. Une bibliographie internationale critique (2005-2015), de René Pélissier.

Cette bibliographie commentée constitue un guide de lectures consacré à la plupart des livres récents parus sur les 8 pays issus de la décolonisation portugaise et espagnole en Afrique ainsi qu’en Océanie.

Éditions René Pélissier, Montamets, 78630 – Orgeval, 562 p. 52 €.
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Dans le sillage du météore désinvolte, Lettres de guerre 1915-1918, de Jacques Vaché (1895-1919).

« Ma grande ambition actuelle serait quelques jours au bord de la mer, simplement – du sable très blanc, une mer outremer, et un ciel éblouissant, avec, un peu loin, les bribes d’un orchestre assoiffé de bocks ruisselants : car j’aime les endroits civilisés ».

Point/Seuil, 202 p.7,30 €.
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Blaise Cendrars- Raymone Duchâteau : Correspondance 1937 – 1954.

Une correspondance de dix-sept ans, un amour platonique avec cette comédienne sans grand talent que Cendrars finira par épouser en 1949. Ses lettres pleines d’attention, d’humour, de cocasseries. On découvre un écrivain qui a le sens du portrait. « Écrire, c’est brûler vif, mais c’est aussi renaître de ses cendres » écrivait Blaise Cendrars.

Éditions Zoé, 590 p. 31 €.
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Dictionnaire chic de la littérature française, de Christian Authier.

Trente ans de lectures vagabondes pour aboutir à ce dictionnaire subjectif destiné non pas aux lecteurs salariés mais aux passionnés de littérature. Ce qui est chose faite. Ce dictionnaire entend saluer des écrivains en devenir. Une ribambelle de noms peu célèbres dont il faut retenir, par exemple, celui de Frédéric Berthet.

Éditions Écriture, 288 p. 22 €.

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Harmonium, de Wallace Stevens (1879 – 1955).

Précurseur majeur de la poésie moderne américaine. Rendre acceptable ce qu’on est en train de vivre. « La lumière est comme une araignée/ Elle se faufile sur l’eau/ Se faufile sur les bords de la neige/ Elle se faufile sous vos paupières/ Et là, déploie ses toiles – ses deux toiles ».

Points/Seuil, 352 p. 8,10 €.
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Publié par le décembre 3, 2015 dans Uncategorized