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Archives Mensuelles: juillet 2012

La cuisine totalitaire, de Wladimir et Olga Kaminer

LIVRE de la RENTREE

Russes d’origine, Wladimir et Olga Kaminer ont obtenu la nationalité est-allemande avant la réunification. La gastronomie, c’est leur domaine de prédilection. La cuisine russe, ils l’ont mordue jusqu’au sang. Ils ont pioché dans celle de l’Arménie, de la Biélorussie, de Géorgie, de l’Ukraine, de l’Azerbaïdjan, de la Sibérie. Avec la verve qui les caractérise, c’est un roman à couverts mouchetés qu’ils nous offrent. Que d’épices hachées menu ; que de boulettes de viandes, de poissons, trempées dans les sauces les plus relevées ! Les Russes boulottent de l’ours, de l’oie sauvage ; grignotent de l’oignon au petit déjeuner sans se priver de harengs en robe de chambre. Un philosophe a noté : « celui qui digère les cuisines chargées s’allie tous les peuples ». La bouffe dénoue les conflits ; le thé vert brûlant efface les mauvais souvenirs. « Dans la cave de ma belle-mère, raconte l’un de ces bons vivants passablement torché, on retrouve assez de tonneaux pour assurer la bonne humeur d’une armée devant la prochaine guerre de cent ans ». Aussi déroutantes que sont ces cuisines, ne pas perdre de vue que l’art culinaire de l’ex-URSS s’est enrichi du passage des Grecs, des Turcs, des Mongols. Le grand poète Wladimir Maïakowski s’adressant aux fins becs de ces régions recommandait de ne pas oublier « de manger des ananas avant de pousser votre dernier soupir ». Ce livre est destiné aux aventuriers de la table, pionniers du vivre ensemble, d’une Europe à venir, complètement fraternelle.

Alfred Eibel

Editions Gaïa, 189 p., 19 €.

 
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Publié par le juillet 29, 2012 dans Uncategorized

 

Le mineur et le canari, de Catherine Safonoff

LIVRE DE LA RENTREE AUTOMNE 2012

Le temps est venu de donner à Catherine Safonoff la place qui lui revient. Peu de livres publiés, mais quels livres ! Un style d’une fluidité étonnante, d’un naturel jamais pris en défaut. Elle raconte sa vie, au jour le jour, sans contrecoup, sans se faire mousser, récite les imprévus, on dirait qu’elle les attend, s’accommode d’un écho nouveau, forme de sagesse. Saisir l’impondérable est dans ses cordes. Elle met tout en œuvre pour ne plus s’étonner, à vivre trop d’ahurissements. Le fatalisme n’est pas dans sa nature. Elle ne manque pas de tempérament, détaille les hommes, aime jardiner, sarcler, déblayer, ranger, observer le chat, vivre des aventures qui se terminent en queue de poisson, recevoir des amis, s’éprouver, s’éprendre de son thérapeute, agencer des plaisirs opposés. Chez elle, force et faiblesse se chevauchent, devoirs et défaillances se relaient. Vélocipédiste, elle donne le bon tempo à sa prose. Sous ses airs égarés on découvre une femme volontaire, déterminée qui pense qu’il faut prendre des risques car au bout pointe la bonne surprise. Différent d’Amiel crispé sur son introspection, cette Genevoise transmet à qui veut bien l’accompagner les hoquets du quotidien. Sa démarche n’est pas éloignée de celle des poètes de la dynastie des T’ang qui fatigués des affaires d’état, quittent leur statut de fonctionnaire, pour se perdre définitivement dans leur verger.

Alfred Eibel

Edition Zoé, 180p., 18 €.
info@editionszoe.ch

 

 
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Publié par le juillet 25, 2012 dans Uncategorized

 

Équinoxales. Récit de voyage, de Gilles Lapouge

Depuis le XVIème siècle le Brésil est en mouvement, en mutation, en dérangement continu. D’abord arrivent les Portugais, puis les Espagnols, dans la foulée débarquent les Français. Quand Gilles Lapouge met les pieds au Brésil pour la première fois, il trouve un pays en progression persistante et en tombe amoureux. Rien de commun avec ces écrivains voyageurs qui se contentent de faire l’inventaire de ce qu’ils ont vu. Lapouge multiplie les séjours, finit par intégrer la rédaction d’un quotidien à Sao Paulo, devient correspondant de ce journal à Paris. Semblable à un peintre, le tableau du Brésil n’est jamais terminé. C’est cela qui est passionnant chez Lapouge, qui déplace les ombres, les lumières, de ce pays de l’excès où les grosses fortunes côtoient la pauvreté ; où les déceptions s’effacent devant des satisfactions prolongées. Le Brésil est en perfectionnement constant. Beauté et détresse forment un seul bouquet ; l’exotisme est consubstantiel à ce pays à la fois irréel et pourtant remarquable par sa volonté de marquer son poids dans le monde. Le meilleur du romanesque n’est pas dans le roman ; il est dans ce livre qui nous mène de surprise en surprise, laissant le lecteur pantois, lui ouvrant de nouvelles perspectives sans reprendre haleine. Lapouge observe que la finesse des Brésiliens le frappe, lorsqu’il arrive « des épaisseurs de l’Europe notamment ». Stefan Zweig n’a-t-il pas écrit que le Brésil est une terre d’avenir ? Avec Gilles Lapouge l’avenir est aujourd’hui.

 

Alfred Eibel

Editions Pierre Guillaume de Roux, 285 p., 24,90 €.

 
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Publié par le juillet 17, 2012 dans Uncategorized

 

Communiqué

Vient de paraître :

 

Dépouille d’un serpent de Roger Judrin

Editions de l’Arbre Vengeur, 142 p., 12 €.

 

Commentaire :

Avez-vous lu Judrin ? N’hésitez pas à y aller voir. Audiberti, Jacques de Bourbon-Busset, Jacques Chardonne, Michel Déon, Etiemble, Jean Paulhan ont reconnu en lui un maître, un écrivain abrupt avec naturel. George Perros a pu écrire qu’il suçait la langue française à petits coups.

Alfred Eibel

 

Commentaire :

De Judrin je n’avais lu qu’un texte dont j’ai oublié le titre et qui me semble être un recueil d’aphorismes. Dépouille d’un serpent est une fabrique d’aphorismes. Dans ma bouche, c’est un compliment, mieux, un éloge. On peut même ouvrir le livre au hasard, il y a toujours un aphorisme. Parfois plusieurs se suivent.
J’apprécie particulièrement le chapitre sur ces 60 jours qui ébranlèrent l’Occident parce que c’est une manière très originale de les raconter. Et puis je me sens proche, sur le Coran et les Évangiles, d’un Judrin à l’évidence mystique parce qu’individualiste.

Alain Paucard

 

 

 
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Publié par le juillet 11, 2012 dans Uncategorized

 

Avoir les boules à Istanbul. Journal d’un écrivain en résidence, de Marc Villard

Henri Léger, écrivain, obtient trois mois de résidence, ce qui veut dire une prise en charge par la bourgade de Blainville située dans la Creuse, pour écrire un livre. Être résident, c’est pas de la tarte. Henri note au jour le jour le parcours des combattants, il n’est pas le seul, la servitude et le peu de grandeur de l’homme de plume. Ceux qui attendent l’inspiration se placent sous l’invocation de quelques écrivains à succès espérant avoir du succès à leur tour. Parmi les résidents on compte : le nul, qui ne le sait pas encore ; la poétesse, dont les rondeurs font de l’ombre à ses poèmes. On entend aussi un résident déclarer qu’après mûre réflexion, il va se consacrer entièrement à l’écriture. Bigre ! Quelle abnégation ! Tel autre espère rencontrer à Blainville des consœurs, leur parler ; et , si affinités, se donner des joies plus intimes. Henri apparaît au fil des jours comme un impertinent impénitent, un homme de dérision et de parodie, d’humour noir, sévère envers son travail, impitoyable envers ceux qu’un abus de langage nomme confrères. Littérature, puits d’ennui sans fond, sous-entend Henri, observateur de ceux qui attendent le messie. Il sait qu’un bon écrivain est interrogé par un journaliste spécialiste des questions idiotes ; qu’il se doit d’être à niveau, et répondre par des sottises grosses comme des maisons. Le plaisir de lire que Jean Schlumberger revendiqua, le revoilà : plaisir à Marc Villard. Autrement dit, 95 pages de rires sous cape.

Éditions de l’Atalante, 94 p., 8,50 €.

 
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Publié par le juillet 11, 2012 dans Uncategorized

 

Søren Kierkegaard : La Crise et une crise dans la vie d’une actrice.

Pourquoi une jeune actrice, à ses débuts au théâtre, court-elle un danger ? Explications avancées par Søren Kierkegaard (1813-1855). Parce qu’on va l’adorer. A cause de ses dix-sept ans. Davantage que pour son talent. Allant jusqu’à une béatification ou presque. On lui trouvera toutes les vertus. Louée par des vieux cons qui s’érigent en critiques. Les années vont accentuer les rides de la jeune actrice. Les idolâtres vont subitement se sentir moins motivés pour vénérer la Divine, préférant se tourner vers de nouveaux talents. En revanche, quand un intérêt réel s’attache au jeu d’une actrice parce qu’elle l’aura développé, affiné, voilà que le grand public fait grise mine. Il n’est pas sûr, écrit Kierkegaard, que pour interpréter le rôle de Juliette, il faille nécessairement faire appel à une actrice dont l’âge correspond au rôle. Une actrice d’un talent plus éprouvé fera mieux l’affaire. L’objectivité dans le domaine artistique pose d’insolubles problèmes. Rien n’est jamais garanti. Si un talent hors du commun peut inspirer une joie unique, le primate au théâtre boudera la performance, étant dans l’incapacité de juger de l’élaboration d’une œuvre. Combien de points de vue, combien d’impasses ! Sur son Golgotha l’actrice souffre de l’injustice. Soudain, le public s’empare de l’encensoir, l’agite à tout va, quoique cette fois à raison, car la représentation est d’une perfection rare.

Alfred Eibel

Rivages Poche / Petite Bibliothèque, 85 p., 5 €.

 
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Publié par le juillet 2, 2012 dans Uncategorized