Des parents qui se rencontrent au Cours Simon, une enfance parfumée à la poussière des coulisses et à la naphtaline s’échappant des malles de costumes, il n’en fallait pas plus pour créer une vocation. La passion de Benjamin Oppert pour le théâtre s’est insinuée peu à peu dans les plis de son âme ; âme par ailleurs versée dans la politique. Juriste de formation il en fait son premier métier avant de comprendre qu’il n’est pas fait de ce bois-là. Trop de cœur ? Peut-être. Il trace alors sa voie dans le monde associatif où, en fin de trentaine, il représente les personnes handicapées auprès des institutions.
Tout l’auteur tient là, son œuvre aussi, dans un triangle amoureux qui n’est pas celui que l’on croit. Politique, théâtre, amour, autant de sources d’inspiration mises en scène dans « Les Tentations », pièce jouée une centaine de fois jusqu’à une série de représentations au Théâtre de Nesle à Paris, fin 2016. Ses personnages sont tiraillés entre ces trois forces, leurs tentations exposées d’entrée de jeu. Avant de recevoir le Molière du meilleur comédien, Alexandre se demande s’il a vraiment réussi. « C’est le parterre qui m’a fait tête d’affiche » reconnaît-il avant d’avouer qu’il ne peut s’empêcher de s’identifier à ses personnages. Misanthrope, Avare, Don Juan, Landru, « le plus difficile ». L’acteur contraint le ministre de la Culture, son amour de jeunesse qu’il n’a pas revue depuis 14 ans, à lui remettre le trophée lors de la cérémonie, la demande en mariage au deuxième acte et assiste à sa défaite électorale au troisième. Faute de « gratin politique » l’épouse se tournera vers « le gratin dauphinois ».
Benjamin Oppert joue volontiers avec les mots comme avec les sentiments dans des circonvolutions du cœur empruntées au théâtre classique. Il laisse à Alexandre, son alter-ego littéraire, le soin de poser la question qui le tourmente : comment passer de la personne de composition que chacun de nous porte en lui pour être soi-même ?
Donner à son théâtre une dimension métaphysique ne l’éloigne pas cependant de sa mission première de divertissement ni de la légèreté. Témoin « Avant-Pendant-Après », fantaisie qui entraîne le spectateur dans une salle d’attente de médecin, une église, un carrefour où vient de se produire un accident, et une tournée théâtrale en pleine débine. L’occasion pour Benjamin Oppert de faire une déclaration d’amour à son art, aux actrices et aux acteurs, aux personnages qui le hantent dans un jeu de miroirs auquel le spectateur parfois dérouté finit par se laisser prendre par surprise. Oui, le théâtre de Benjamin Oppert est une bonne surprise.
Françoise MONFORT
« Les Tentations », le 5 mars à 15 heures à l’Espace R. Jacobsen de Courtry (77).