Qu’on sache d’emblée que ce Cook n’a rien de commun avec le Robin éduqué à Eton. Celui-ci dédie son livre « à la démocratisation de la médecine » en tant que praticien de la médecine, spécialiste incontesté, à la plume un peu lourde ou plutôt une prose rectiligne, sans grâce particulière. Néanmoins, l’avantage dans ce genre de mode Cook n’est jamais ambigu. Celui qu’on a surnommé le « roi du thriller médical » possède le don de maintenir habilement le suspense tout au long du roman trainant de chapitre en chapitre un climat d’angoisse.
Georges Wilson et son amie Kasey sont au lit. Quand Georges se réveille, quitte le lit, revient vers Kasey pour la réveiller, il constate qu’elle est morte.
Au centre médical de l’université de Californie à Los Angeles, règne une ambiance délétère. L’argent est au centre des préoccupations sans parler de groupes bizarres venus d’ailleurs décidés à bouleverser le paysage médical en y introduisant le smartphone comme thérapie. Inutile de se déplacer pour consulter, peu importe le mal du patient. Il suffit d’allumer son écran et le tour est joué. Miroir, mon beau miroir, suis-je aussi malade que ça ? Et la réponse est invariablement la même : non seulement vous êtes malade mais vous l’êtes plus que vous l’imaginez. On comprend que des personnes âpres au gain tirent avec adresse les ficelles dans les coulisses du smartphone et n’attendent qu’une chose, que le fric tombe dans leur escarcelle.
La médecine n’est pas une science exacte, entend-on dire, ce qui laisse la porte ouverte à ceux qui débarquent avec des procédés nouveaux plus satisfaisants que ceux utilisés par les praticiens en chair et en os. C’est la fin des grands prêtres, des cardinaux, des archevêques de la médecine. Faîtes confiance à l’iDoc, un smartphone pas comme les autres.
Un petit nombre d’internes de l’hôpital ne sont pas convaincus. Ils en deviennent d’autant plus dangereux qu’ils risquent de mettre en péril cette pompe à fric qu’est l’iDoc. Comment les ramener à la raison ? Subsiste un doute sur la manière, chuchotent les tireurs de ficelles.
L’hôpital signale des disparitions inexpliquées, maquillées en suicide, des malades amenés en ambulance déclarés morts à peine débarqués. Dans quelle catégorie placer Kasey ?
À propos d’une jeune femme qui plaisait beaucoup aux internes, aux grands pontes, reprenons cette phrase d’un des romans d’Aldous Huxley : « C’était une jeune fille que tout le monde appréciait et, soit à un moment, soit à un autre, elle avait passé une nuit à peu près avec tous ». Contrairement à la chasse à l’oie sauvage, les internes partaient à la chasse aux belles et rebelles assistantes.
Chez Robin Cook, ni Dr. Jekyll, ni Mr. Hyde. Par contre, Dr. Jekyll et Mr. Hyde. Mary Shelley en aurait éprouvé des frissons. Le lecteur, lui, est amené à se poser des questions : quel crédit apporter à un spécialiste de réputation internationale ? Que signifie dans le domaine médical entrer dans le numérique ? L’art d’interprétation d’une maladie, que signifie cela ? Et pourquoi tant de conférences internationales des médecins ? Parvenir à quel consensus ?
Qu’en auraient pensé les anciens Égyptiens devant ce type de hiéroglyphes jargonnant devant ces hommes décidés à catapulter dans le futur le dernier procédé pour guérir sans avoir recours aux médicaments ?
Parvenu à la fin de Prescription mortelle, on se dit que bistouri et instabilité font bon ménage.
Alfred Eibel
Albin-Michel
476 p. 22 €.