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Archives Mensuelles: septembre 2018

Khalil, de Yasmina Khadra

Khalil et Ryan, d’origine marocaine, ont grandi ensemble à Bruxelles. Si Ryan a trouvé sa voie, Khalil se remue dans un milieu dont les bornes sont la famille, les copains, la rue, oubliant l’ambition. Il y a chez lui ce à quoi bon qui freine l’initiative. Peut-être se rabaisse-t-il sans en prendre conscience. Le temps passe. L’idée de goûter aux plaisirs de la vie lui semble relever d’un ensemble de dispositions qu’il ignore. Sans doute ne sait-on pas « exactement à partir de quel moment et sous quelle forme le rejet de toute une société » a germé en lui. Se rendant régulièrement dans une mosquée intégriste, il acquiert la conviction qu’il lui faut changer radicalement sa manière de vivre. Fini de tournicoter. Une mythologie souterraine s’empare de lui. Dieu attend un sacrifice. Souffrir et mourir. Khalil fait désormais partie d’un ordre nouveau. Il est en mesure de le revendiquer haut et fort. Le bon sens ou le bon Dieu ? Et pourquoi pas les deux ensemble? Un bon citoyen doit obligatoirement être un bon croyant. Comment concilier l’inconciliable ? Le voilà porté au stade de France de Saint-Denis, sa ceinture d’explosifs autour des reins, censé déclencher l’explosion dans une rame de RER. Il est prêt à se mettre en position. Le détonateur fait défaut. À partir de ce moment, Khalil est devenu son propre ennemi. Toute solution n’est au bout du compte qu’une de ces parties comme un coffre-fort dont on a oublié les derniers chiffres. La malchance poursuit celui qui ne périt pas. Khalil n’est plus qu’un fugitif. Il se tourne vers ses amis, à croire qu’une légende a été détournée pour lui conférer un autre sens. Lequel ? Khalil est à la fois le confessionnal et celui qui se confesse. Il a le sentiment que tout se fissure, les choses, l’affection, la mort. Il se voit divorcer avec une partie de sa vie. Il n’appartient plus au monde des vivants. Comment défendre l’indéfendable ? L’angoisse lui tord l’estomac. Disparaître ou renaître ? Et si à un moment donné il se voyait récupéré ?

Alfred Eibel.

Édition Julliard, 260 p., 19 €.

 
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Publié par le septembre 13, 2018 dans Uncategorized

 

Valère-Marie Marchand, « Le premier arbre et autres récits qui cachent la forêt »

Journaliste et femme de radio, Valère-Marie Marchand se laisse guider par ses coups de coeur littéraires tout en suivant des chemins de traverse avec un éclectisme joyeux dans son écriture. De Rousseau et Boris Vian au Facteur Cheval en passant par l’archéologie de l’alphabet et l’écriture des mathématiques, sa plume l’a conduite au pied des arbres. Arbre matière première du livre. Arbre de vie ou forêt à la touffeur fatale aux imprudents ? L’arbre en fil rouge de l’histoire des dieux et des hommes. Férue de mythes, elle tisse sa toile de conteuse sur laquelle se dessinent peu à peu des paysages aux couleurs fondues à la Watteau, des Cythère au goût de paradis perdus. Le premier arbre -Archaeopteris- puis le rameau d’or figure tutélaire de Virgile, le figuier stérile d’un certain Yehouda et l’olivier de Saint-Augustin sont dépeints avec une érudition gourmande mais légère piquetée d’humour. Plus près de nous, un pommier sauvage abrite les siestes de Thoreau près de l’étang de Walden et les baobabs de Tombouctou pleurent des autodafés dans un passé cruellement proche. Si « la forêt vaut toutes les bibliothèques », écrit-elle, on pardonnera aux bûcherons qui ont abattu les arbres destinés à constituer la sienne.

Françoise Monfort

Éditions du Cerf, 221 pages, 20 euros.

 
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Publié par le septembre 11, 2018 dans Uncategorized

 

Denise Parisse,   « Cité du souvenir »

L’on n’invente pas un titre comme celui-ci. Et en effet la Cité du souvenir existe, elle se trouve dans le XIVe arrondissement de Paris. C’est dans ce décor à la Calet, à la Malet, proche du parc Montsouris, que l’auteur a vécu son enfance et son adolescence  «de la Seconde Guerre mondiale à la guerre d’Algérie». La mère, le père, la fratrie – le «clan» -, les beaux-frères, leur vie dans cet ensemble qui préfigurait les HLM, les maîtresses d’école, les copines, les garçons, la recherche d’un travail, les bals et le grand amour, tout cela qui est de la vie privée se tient éloigné de l’égotisme et au contraire nous restitue un certain unanimisme.  A cet égard, l’évocation de la guerre d’Algérie à travers les dits des uns et des autres (copains de cage d’escalier revus en ces circonstances, proches et familiers…) est une réussite. La phrase se risque sans tremblement devant  «la dure réalité à étreindre», car le regard est juste et à bonne distance. Et enfin nous entendons une voix, mais aussi des bruits «de pas, de chants, de rires, mais aussi des cris et des pleurs. Des bruits « d’hommes » en quelque sorte.» 

Claude Schmitt
Metvox Publications, 192 p., 19 euros

 
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Publié par le septembre 9, 2018 dans Uncategorized