RSS

Archives Mensuelles: novembre 2017

KO UN. La première personne est triste. Anthologie.

« Le vain désir des bonnes réponses ». Ces mots résument l’esprit de ce recueil qui est un choix de poèmes parmi les plus récents de l’année 2000. Né en 1933, KO UN a été un moine bouddhiste durant 29 ans. Il se tourne vers la littérature, acquiert une célébrité sans partage dans son pays. Que d’interrogations, que d’étonnements, de nostalgie devant des paysages coiffés par la tempête, des montagnes à n’en plus finir qui se haussent devant la beauté dans le silence, seule réponse qu’un paysage peut donner au poète. Pour celui-ci il existe une vieille nostalgie dans l’étonnement. Le poète s’interroge sur sa propre existence. Ses poèmes se déploient comme un éventail. Il lui incombe de rester droit quand file le temps. Prenant de la hauteur le poète « regarde en bas les titanesques scènes d’action insignifiantes sur cette terre ». Que reste-t-il : le sol qu’on a foulé et celui qu’on n’a pas foulé. La paix à tout prix, la capacité à s’étonner toujours plus dans la vie, éviter de regarder en arrière, tenter de mesurer les saisons qui s’effacent. S’efforcer d’être attentif au vol d’un oiseau d’une falaise, à une forêt située à l’autre bout de la plaine, ou à une fleur qui semble sourire. KO UN résume très bien ce qui devrait être une vie épanouie dans ces deux vers : « Les paroles font dériver trop loin / Et ne savent plus où se trouve le silence qui est leur propre origine ». Ce qui sépare se désagrège progressivement. KO UN est pour le rassemblement. C’est la raison pour laquelle il prépare un dictionnaire intercoréen dans la perspective de la réunification de la Corée.

Alfred Eibel

Serge Safran éditeur

149 p., 18,80 €.

 

 

 
Poster un commentaire

Publié par le novembre 29, 2017 dans Uncategorized

 

Jean-Claude Missiaen : LE CINÉMA EN HÉRITAGE – Mémoires

Cela pourrait s’appeler « Dictionnaire amoureux du cinéma » ou, mieux encore , « Dictionnaire d’un amoureux du cinéma », tant la passion du septième art l’anime. Passion contractée dès l’enfance avec la découverte éblouie des salles populaires d’après-guerre ; passion mûrie à l’adolescence, puis consolidée et armée par l’écriture et le contact direct avec le monde de la critique. Passion qui s’ouvrira patiemment quelques années plus tard un passage réussi vers la mise en scène.
Ce livre, vibrant d’un amour inentamé pour l’art de l’image mouvante, s’adresse autant au cœur qu’au sens esthétique du lecteur/spectateur. Il nous fait partager les émotions « raisonnées » de son auteur, et mieux encore les explicite. Je recommande à cet égard les lignes que Missiaen consacre à la mise en scène d’Anthony Mann. Elles nous en apprennent plus sur ce maître du western que bien des textes de facture « universitaire » par une approche « physique », intuitive, quasi charnelle, chevillée à la sensibilité profonde de l’auteur.
L’amour du cinéma, chez Missiaen, a pris une tournure « militante » lorsqu’il s’est agi de mobiliser une grande presse myope, paresseuse, encore indifférente à tant d’auteurs fondamentaux. Un énorme travail s’accomplit alors sous l’impulsion des « mousquetaires » Missiaen, Tavernier, Rissient, Mizrahi, qui réussirent à mettre les pendules à l’heure avec une ténacité « beyond the call of duty », qui transcendait leurs simples obligations professionnelles.
On trouvera une trace très vivante des campagnes de presse menées par Missiaen avec une fougue contagieuse. Pas besoin, pour s’y intéresser, d’aimer ou admirer un Leone, un Winner, un Bronson car il y a toujours à glaner dans ces pages nourries d’une chaleureuse empathie. Mais le plus intéressant se situe à mon avis dans les évocations intimistes d’un Sautet, d’un Montand, d’un Gabin… et de tant d’artistes devenus pour lui des frères ou parrains d’élection ; et dans les lignes si tendres que lui inspirent Romy, Cyd, Sylva… autant que Burt ou Alan (Ladd). Ici affleure une émotion pudique qui ne laissera aucun lecteur indifférent.
Dois-je ajouter que je suis depuis cinquante l’ami de Jean-Claude, et que cette amitié ne conditionne ni n’altère en rien mon jugement.

Olivier Eyquem

Riveneuve. Collection Cinéma. Archimbaud éditeur, 2017. 34 €

 
Poster un commentaire

Publié par le novembre 23, 2017 dans Uncategorized

 

Le cinéma en héritage. Mémoires de Jean-Claude Missiaen

Souvenirs cinématographiques, prestige du cinéma lié à l’enfance, ses grands moments, la fascination des images, ensuite l’adolescence une manière nouvelle d’aborder le cinéma ; s’y attache quelque chose de sentimental qui accompagne alors toute la vie de Jean-Claude Missiaen. Prochain palier, attaché de presse. Palier suivant metteur en scène, une suite logique. Il en a vu des actrices, il est tombé amoureux, des images plein la vue, rencontres avec des acteurs américains et français exceptionnels, de l’affection, pas mal d’amitiés, des metteurs en scène à l’égal de dieux vivants, quelques drôles d’oiseaux habiles manipulateurs sans parler d’une foule de comparses toujours prêts à se dévouer pour la bonne cause. Impossible de nommer tout le monde. Dans ce livre une iconographie exceptionnelle en noir et blanc et en couleur qui ravive nos impressions lors de la sortie de ces films dans les salles. La générosité de Jean-Claude Missiaen, sa sensibilité, son enthousiasme font de cet album un herbier du cinéma contemporain comme on en voit peu. Bien entendu il y a Gabin, bien entendu il y a Burt Lancaster, bien entendu il y a Claude Sautet si cher à son cœur, bien entendu il y a Anthony Mann impossible de l’oublier. Jean-Claude Missiaen a raison de s’illustrer. Il a réalisé Tir groupé (1982), Ronde de nuit (1983), La baston (1985) qui trouvent parfaitement leur place dans le cinéma français et par voie de conséquence difficiles à oublier.

Alfred Eibel

Riveneuve Archimbaud éditeur, 188 p., 34 €

 

 

 

 
Poster un commentaire

Publié par le novembre 21, 2017 dans Uncategorized

 

Oui et Non, d’Adriana Langer

Vingt nouvelles. Des personnages pris dans les rets d’une miniaturisation du monde qui s’égarent parfois dans des amours parallèles, qui superposent leurs souvenirs dans l’attente du mot juste qui se fait prier. « Nos vies bariolées traînent leur part d’ombre ». Adriana Langer part à la recherche du tréfonds des vies ; à la recherche du reflet d’une action passée inaperçue. C’est ce qui fait l’originalité de ce recueil et son charme.

Editions Valensin / David Reinharc

102 p., 19€

Alfred Eibel

 
Poster un commentaire

Publié par le novembre 20, 2017 dans Uncategorized

 

Dictionnaire de l’humour juif, de Adam Biro

L’humour juif, son étendue, ses variantes est présenté par Adam Biro dans ce dictionnaire passionnant et de poids. Familier de la langue allemande j’ai entendu raconter des histoires juives en allemand pour la plupart qui avaient de quoi surprendre par la chute non sans extravagance. Ces histoires pétillantes, cruelles, stupéfiantes m’ont toujours semblé, à tort ou à raison, perdre leur âme traduites en français. Il y manque la gestuelle, la modulation de la voix, une façon particulière de faire les gros yeux. Déjà le mot witz qui couine en allemand perd de sa force traduit en français devenant « mot d’esprit ». Après la guerre, séjournant à Vienne, fréquentant les cabarets dont le Simplicissimus où se produisaient des acteurs d’origine juive attachés au très sérieux Burgertheater, équivalent à la Comédie française. Sous la férule de Karl Farkas, farceur d’une rare drôlerie, ils racontaient des histoires juives en dialecte viennois. De quoi frémir, des farces terribles, des vacheries à n’en plus finir, des bobards entre juifs pour s’imposer, des histoires comme celles racontées dans ses livres par Cyrille Fleischman (1942-2010) écrivain et avocat que j’ai bien connu et dont j’appréciais les histoires joliment rudes. Adam Biro note que « l’humour juif est caractérisé par l’impertinence, par le manque de respect devant toutes les autorités administratives, étatiques ou spirituelles ». Karl Farkas se donnait à fond dans l’autodérision. Quant à un autre Viennois, Helmut Qualtinger, grand comique devant l’Éternel, il était capable, disait-on dans un de ses cabarets préférés, de faire rire à gorge déployée son public en lisant des passages de Mein Kampf.

 

 

Alfred Eibel

Editions Plon, 785 p., 25 €

 

 
Poster un commentaire

Publié par le novembre 16, 2017 dans Uncategorized

 

MATULU. JOURNAL REBELLE (1971-1974). Annotation établie et présentée par François Kasbi.

Grâce à François Kasbi ces pages d’un passé révolu font à nouveau parler d’elles. C’est un navire qui file à belle allure.

Je me souviens de Paul Bowles circulant en limousine au centre de Tanger.

J’ai bien connu Frédéric Prokosch à Paris et au Plan de Grasse ayant lu tous ses livres.

Je me souviens de Kleber Haedens (quelle santé !) observateur attentif des écrivains du XVIIe siècle.

Je me souviens de Patrick Grainville alors professeur de lettres à Sartrouville capable de faire aimer Saint-Simon à ses jeunes élèves.

Je me souviens d’Albert t’Sterstevens à qui je rendais visite tous les dimanches à son domicile de l’Ile Saint-Louis. Il me parlait des classiques du XVIIe siècle, leurs fautes d’orthographe, de syntaxe, leur ponctuation fantaisiste.

Je me souviens de Roger Judrin, de nos longues promenades dans la forêt de Compiègne.

Je me souviens de René Etiemble, ses livres, notre correspondance.
Je me souviens de Georges Perros, de nos randonnées en moto à Douarnenez après avoir dégusté des crêpes au sucre.

Je me souviens de Jean-Pierre Martinet, critique attentif, sensible ; je me souviens de nos escapades alternant troquets et littérature.

Je me souviens de Roger Caillois chez lui cerné par ses livres.

Je me souviens de Bernard Delvaille grand connaisseur de la poésie française depuis son origine.

Je me souviens de Gabriel Matzneff, de nos multiples rencontres, de ses libres propos.

Je me souviens du sombre Alexandre Vialatte et de Jean Dutourd si coopératif, si amical, si plaisant, se moquant de lui-même.

Je me souviens de Michel Perrin, de nos longues conversations sur le jazz.

Je me souviens d’avoir suivi Michel Déon jusqu’à Spetsai.

Je me souviens de mes rencontres avec Paul Morand, peu loquace, attentif, parole tenue.

Je me souviens de mes nombreuses rencontres avec Léo Malet à la terrasse des Deux Magots ; de Pol Vandromme à l’étroit à Charleroi.

Je me souviens de mes rencontres à table avec Michel Lebrun.

Je me souviens d’une tournée le soir à Lausanne avec Jacques Chessex de tavernes en estaminets et autres bistrots.

Je conserve un bon souvenir de Félicien Marceau à son domicile entouré d’œufs en plâtre, en porcelaine, en bois et en métal.

Je me souviens du plus paresseux des écrivains Robert Levesque. J’apprécie particulièrement ses chroniques dans la NRF.

Je me souviens d’Yves Martin, de nos déjeuners dans un restaurant italien de la rue Marcadet
Je me souviens de mes rencontres avec Jacques Laurent à propos de Caroline chérie, d’Un caprice de Caroline chérie sans oublier évidemment Les corps tranquilles.

Je me souviens de mes nombreuses visites au domicile de Julien Green.

Je me souviens de Jean Grosjean, ses récits en prose : La reine de Saba, Clausewitz, Ponce Pilate. Je me souviens de sa traduction du Coran et de m’avoir recommandé aussi Les mémoires du Kronprinz.

Je ne veux pas oublier quelques critiques de qualité tels que Eric Lestrient, Alain Clerval, Claude Schmitt, Jacques Lourcelles.

Je me souviens d’avoir côtoyé Roger Vailland lors de projections privées et dans un bistrot proche de l’Arc de Triomphe.

Je ne peux oublier Georges Borgeaud son escarcelle débordant de cancans.

Tant de souvenirs m’ont traversé que j’en oublie certainement.

J’en suis désolé. Le lecteur les retrouvera dans Matulu.

Alfred Eibel

Editions de paris Max Chaleil, 478 p., 20 €

 
Poster un commentaire

Publié par le novembre 14, 2017 dans Uncategorized

 

Une lettre de Bernard Eisenschitz sur « Fritz Lang »

Cher Fred,

Ton Fritz Lang est un beau témoignage. On ne peut pas te reprocher de montrer les faiblesses de Lang, ou de le montrer diminué, empêché de travailler qu’il avait été avant de ne plus en être capable. Tu le fais avec une affection réelle, et ton ironie est légère. Tu n’apportes en aucun cas de l’eau au moulin des dénigreurs systématiques, allemands en général, qui ne pardonnent pas à Lang de scénariser ses souvenirs -comme s’il avait déposé sous serment devant les interviewers-, mais en fait surtout d’avoir claqué la porte à l’Allemagne nazie dès les premiers mois, à défaut des premiers jours.

Et je retrouve avec plaisir ton écriture vagabonde, progressant par associations d’idées, par coq à l’âne, par référence culturelles inattendues et toujours pertinentes. Je me souviens de ta note sur l’orientalisme dans Présence du cinéma (peut-être à propos des Aventures de Hadji ???), dont l’idée reparaît ici. J’aime aussi l’évocation de Howard Vernon, toujours présent et toujours discret… moins bien sûr celle de Lotte Eisner, plus fine que tu ne le donnes à penser, même si je comprends qu’elle ait très mal réagi, dans la position désespérée où elle s’était mise elle-même en face de son grand homme.

Je ne suis pas sûr d’être d’accord sur la place majeure que tu attribues à la Harbou dans la vie de F.L. Elle mérite sûrement une réestimation, plus qu’une réhabilitation partielle, pour sa capacité comme écrivain à utiliser des éléments mythiques anciens ou modernes, à fournir à Lang un socle pour élaborer sa dramaturgie démoniaque. (J’ai lu un intéressant livre de la fille d’Ayi Tendulkar sur son père, où Thea est bien sûr très présente).

Mais la correspondance (platonique) de Lang avec les dames Rosé, ce que dit de lui la fille de Gerda Maurus, suggèrent d’autres attachements très profonds et durables.

Je m’arrête là. Juste une curiosité : Carl de Vogt jouant l’ermite dans le Tombeau, l’as-tu trouvé dans mon livre ? Sinon, où ? Je ne l’avais vu nulle part et étais assez fier de l’avoir découvert, au hasard des feuilles de service de la production.

Bref, merci, ton livre m’a intéressé et donné beaucoup de plaisir.

Amitiés,

B.

(Bernard Eisenchitz)

 
Poster un commentaire

Publié par le novembre 14, 2017 dans Uncategorized

 

Trois personnes en forme de poire, par Suzanne Azmayesh

On est toujours la poire de quelqu’un, bonnes pommes, prête, n’est-ce pas à se prévaloir des métiers d’autrui. Emiline essaie d’écrire, n’y arrive pas, à l’affût de la renommée, fantasme sur un acteur. La belle Victoria Belles a peu de talent, suffisamment pour jouer des coudes, néanmoins entourée d’un commandeur des plaisirs sensuels. Elle tente de se montrer peu farouche. Il lui faut simuler son énergie. La voilà embrigadée dans des soirées toniques et toxiques. Madeleine actrice de seconde zone a jeté sa gourme, cherche le moyen de parvenir. Ne s’adresse pas toujours aux bonnes personnes, tombe sur un tocard, sur un égocentrique remuant comme un fœtus de bébé, au sein d’un conglomérat d’égoïstes, d’artistes du ressentiment, de jaloux émoustillés légèrement ivres, de fumistes, d’usurpateurs changeant de point de vue comme de chemise à la recherche de satisfactions sexuelles, bluffeurs, sans parler d’une multitude abusant de la confiance d’autrui. Comment s’y retrouver dans ce mélange confus quand on n’a que sa joliesse pour tout bagage ? Des dialogues bien marqués, des scènes burlesques, des situations entre normalité, démence, et vulgarité, dans un monde de fripouilles friquées parfaitement mis en scène par Suzanne Azmayesh.

 

 

Alfred Eibel

Editions de l’Age d’Homme

219 p., 18 €

 
Poster un commentaire

Publié par le novembre 2, 2017 dans Uncategorized

 

Le Chasse-Avant de Christine Marquet de Vasselot

C’est ici racontée l’histoire d’un doute, d’une coïncidence, d’une âme unie à un autre corps, et comment le passé se manifeste à travers le présent. En 1999 Aude vient d’emménager dans l’atelier de Martin, photographe, ami de longue date. Peut-on croire celui-ci quand il déclare être la réincarnation de Salomon de Brosse architecte célèbre du XVIIe siècle ? La jeune Aude se persuade que Martin est atteint de désordres mentaux. A-t-on jamais rencontré un homme qui fait instantanément songer à une figure du passé ? Et si la réincarnation avait quelque fondement ? Et si le fameux Salomon avait été coupable d’une inclination inaccoutumée ? Le timbre de sa voix pourrait-il être celui de son ancêtre ? Christine Marquet de Vasselot, dotée d’une fine écriture, nous propose une sorte de décalcomanie du Paris au XVIIe siècle aux silhouettes indistinctes. Est-on en présence d’une série de phénomènes psychiques permettant les interprétations les plus audacieuses ; d’une vision libérée du contrôle de la raison ; d’un événement étonnant et admirable se produisant contre toute attente ? On se garde de privilégier une position plutôt qu’une autre. Christine Marquet de Vasselot cherche évidemment à nous surprendre et à nous dérouter quoique le mystère soit levé. L’est-il vraiment ? Roman passionnant qui amène le lecteur à remonter le temps ; peut-être à se découvrir une filiation inattendue. Sait-on jamais.

 

Alfred Eibel

Editions de l’Archipel

256 p., 20 €

 
Poster un commentaire

Publié par le novembre 2, 2017 dans Uncategorized