Grâce à François Kasbi ces pages d’un passé révolu font à nouveau parler d’elles. C’est un navire qui file à belle allure.
Je me souviens de Paul Bowles circulant en limousine au centre de Tanger.
J’ai bien connu Frédéric Prokosch à Paris et au Plan de Grasse ayant lu tous ses livres.
Je me souviens de Kleber Haedens (quelle santé !) observateur attentif des écrivains du XVIIe siècle.
Je me souviens de Patrick Grainville alors professeur de lettres à Sartrouville capable de faire aimer Saint-Simon à ses jeunes élèves.
Je me souviens d’Albert t’Sterstevens à qui je rendais visite tous les dimanches à son domicile de l’Ile Saint-Louis. Il me parlait des classiques du XVIIe siècle, leurs fautes d’orthographe, de syntaxe, leur ponctuation fantaisiste.
Je me souviens de Roger Judrin, de nos longues promenades dans la forêt de Compiègne.
Je me souviens de René Etiemble, ses livres, notre correspondance.
Je me souviens de Georges Perros, de nos randonnées en moto à Douarnenez après avoir dégusté des crêpes au sucre.
Je me souviens de Jean-Pierre Martinet, critique attentif, sensible ; je me souviens de nos escapades alternant troquets et littérature.
Je me souviens de Roger Caillois chez lui cerné par ses livres.
Je me souviens de Bernard Delvaille grand connaisseur de la poésie française depuis son origine.
Je me souviens de Gabriel Matzneff, de nos multiples rencontres, de ses libres propos.
Je me souviens du sombre Alexandre Vialatte et de Jean Dutourd si coopératif, si amical, si plaisant, se moquant de lui-même.
Je me souviens de Michel Perrin, de nos longues conversations sur le jazz.
Je me souviens d’avoir suivi Michel Déon jusqu’à Spetsai.
Je me souviens de mes rencontres avec Paul Morand, peu loquace, attentif, parole tenue.
Je me souviens de mes nombreuses rencontres avec Léo Malet à la terrasse des Deux Magots ; de Pol Vandromme à l’étroit à Charleroi.
Je me souviens de mes rencontres à table avec Michel Lebrun.
Je me souviens d’une tournée le soir à Lausanne avec Jacques Chessex de tavernes en estaminets et autres bistrots.
Je conserve un bon souvenir de Félicien Marceau à son domicile entouré d’œufs en plâtre, en porcelaine, en bois et en métal.
Je me souviens du plus paresseux des écrivains Robert Levesque. J’apprécie particulièrement ses chroniques dans la NRF.
Je me souviens d’Yves Martin, de nos déjeuners dans un restaurant italien de la rue Marcadet
Je me souviens de mes rencontres avec Jacques Laurent à propos de Caroline chérie, d’Un caprice de Caroline chérie sans oublier évidemment Les corps tranquilles.
Je me souviens de mes nombreuses visites au domicile de Julien Green.
Je me souviens de Jean Grosjean, ses récits en prose : La reine de Saba, Clausewitz, Ponce Pilate. Je me souviens de sa traduction du Coran et de m’avoir recommandé aussi Les mémoires du Kronprinz.
Je ne veux pas oublier quelques critiques de qualité tels que Eric Lestrient, Alain Clerval, Claude Schmitt, Jacques Lourcelles.
Je me souviens d’avoir côtoyé Roger Vailland lors de projections privées et dans un bistrot proche de l’Arc de Triomphe.
Je ne peux oublier Georges Borgeaud son escarcelle débordant de cancans.
Tant de souvenirs m’ont traversé que j’en oublie certainement.
J’en suis désolé. Le lecteur les retrouvera dans Matulu.
Alfred Eibel
Editions de paris Max Chaleil, 478 p., 20 €