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Archives Mensuelles: novembre 2015

Oui, c’était mieux avant, d’Alain Paucard

Alain Paucard serait-il le nouveau Rivarol, exilé non à Berlin, mais enraciné à Paris dans son XIVe arrondissement ? Son livre trimbale comme son prédécesseur, synthétise, aiguise, des thèmes, par exemple l’école, qui dorénavant est un espace et non plus une mission. La langue française si claire d’habitude devient dans la bouche de pas mal d’utilisateurs, une gomme à mâcher. Non, tout le monde n’a pas la fibre artistique, n’en déplaise à ceux qui rampent devant l’égalitarisme. Le progrès appartient à ceux qui se gargarisent devant leur glace. Le livre d’Alain Paucard est un constat, à savoir que nous vivons dans la société du constat. On constate que la science est un bien mais pour deux maux de plus ; que la démocratie est un épouvantail à gogos ; que les règles sont faites pour être contournées ; que la beauté est une offense. Il faut lui substituer ce qui choque et par voie de conséquence réjouir les têtes vides ; que les habitations à location modérée sont des répliques de Mohenjo-Daro. À propos de progrès, disons le, le décervelage progresse, il permet aux peuples de s’alimenter et de raisonner de la même manière. L’indulgence systématique est accueillie par des bravos, le mot civilisation un mot à bannir ; la tradition, un mot qui sent la réaction. L’essentiel est de faire table rase du passé. Ne parlons pas de politesse, ce vice impuni, il est à proscrire au profit de la grossièreté. Alain Paucard égrène d’autres phénomènes auxquels nous ne prêtons guerre d’attention tant notre esprit est embourbé sous la crasse. C’est parce que vous n’êtes qu’un dinosaure. Admettons. Néanmoins, faisons l’effort de lire ce livre, de se faire une opinion personnelle. Je gage que plusieurs lecteurs vont tourner la dernière page transis de nostalgie. Ben oui, un nombre non négligeable de phénomènes, ce qui fut, s’avère autrement plus solide que la perspective d’un avenir radieux. La perspective d’un monde qui nous sollicite du soir au matin de rejoindre le troupeau.

Alfred Eibel

Éditions Jean-Cyrille Godefroy

118 p. 12 €.

 
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Publié par le novembre 6, 2015 dans Uncategorized

 

L’appel de la forêt, de Jack London, traduction de Jean-Pierre Martinet

Après l’Ombre des forêts, l’Appel de la forêt. Le roman de Martinet retrouve celui de London ou inversement, pour qui « l’hérédité sauvage triomphe de la civilisation corruptrice ». La traduction du roman de London est une petite merveille de précision et d’articulation. Quand London écrit : « Buck savait, tous les chiens savaient ce qui s’était passé là-bas, derrière les arbres de la rivière, au détour du chemin », cela sonne comme du Jean-Pierre qu’on imagine assis sur un tronc d’arbre en attendant l’arrivée du duc de Reschwig. Le grand critique suisse, Georges Anex (1916-1991) rendant compte de l’Ombre des forêts, termine sa chronique par ces mots : « disparaître dans l’espace et rejoindre les forêts transparentes du ciel ». Et c’est ainsi que Jean-Pierre retrouve Jack.

Alfred Eibel

Finitude

176 p. 16,50 €.

 
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Publié par le novembre 6, 2015 dans Uncategorized

 

Café existence, d’Horace Engdahl

Le titre aurait enchanté Peter Altenberg (1859-1919) auteur d’aphorismes saisis à l’improviste. Dans cette lignée large s’engouffre Horace Engdahl, auteur suédois qui se demande si c’est une bonne idée de présenter en France « un livre de réflexions et d’aphorismes ». Pourquoi pas ! La mélancolie fait surface après une représentation. L’égarement, la contemplation, le rabâchage, le cynisme sont autant de panneaux de mise en garde. L’art d’Engdahl est de pousser l’abstraction dans le domaine de l’image. Ce que Kafka a tellement voulu exprimer pousse dans les cordes les foreurs d’intelligence. Ce sont toujours, dit notre auteur, les propagandistes qui font le lit de la terre. Le salmigondis Mein Kampf doit sa réputation, explique Engdahl, à ceux qui tentent de propager une opinion à ceux qui n’en ont pas. Etiemble aurait dit, s’il devait inclure Café existence dans un des volumes Hygiène des Lettres, qu’il s’agit d’une œuvre dégagée. Plaçons ce petit livre sur la même étagère que l’œuvre d’Henri Roorda, d’Edmond Gillard, des Fausses notes de François Debluë, sans omettre Gant de crin, En vrac de Pierre Reverdy.

Alfred Eibel

Serge Safran éditeur

144 p. 15, 90 €.

 
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Publié par le novembre 6, 2015 dans Uncategorized

 

L’Économie pour quoi faire ? de Robert Benchley

Chroniqueur humoristique (1889-1945), Benchley savonne la planche de salut d’une société obéissante aux règles de vie qui ont déjà fait leurs preuves. Mettre Paris en bouteille est plus facile que d’y glisser un bateau miniature. Par contre, la bêtise, la pusillanimité, la bassesse mises en bouteille, la classe moyenne en a les moyens. Que d’éclats de rire en parlant de « postes à responsabilités », de « l’obligation de gagner sa vie ». Entre Jérôme K. Jérôme et le canal de Suez, que préférez-vous ? Le temps qu’on passe à tenir à jour son livre de compte eût été mieux employé à rigoler avec des copains au bistrot du coin. À ceux qu’on menace, la bourse ou la vie, nous connaissons la réponse, la bourse et la vie ! Benchley est caustique, mordant, désabusé, dévoué dès qu’il s’agit de saper les fondements d’une société d’opulence.

Alfred Eibel

Éditions Wombat

101p. 14 €.

 
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Publié par le novembre 6, 2015 dans Uncategorized

 

Dictionnaire chic de littérature française, de Christian Authier

Christian Authier a fait le pari de ne pas attendre que la postérité ratifie ses choix. Guidé par des écrivains qui ont de la couleur, il éveille la curiosité des lecteurs passés à côté d’écrivains moins fêtés. Nous-mêmes allons en découvrir un certain nombre auxquels nous n’avons pas prêté attention. Authier n’en néglige pas pour autant quelques grands aînés. Que dire de plus sinon qu’il est indispensable de se procurer ce dictionnaire qui déborde de la joie de lire.

Alfred Eibel

Écriture

288 p. 22 €.

 
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Publié par le novembre 6, 2015 dans Uncategorized

 

La bouche ouverte, de Shmuel T.Meyer

Sont-ce des rebelles sans causes, des familles sans attaches ? Heureusement pour nous ces personnages ne se posent pas de questions au sujet de leur identité vacillante. Prenons l’exemple de tante Alice qui frissonne à Genève, qui subit, ordonne, à l’exemple des temps anciens. On retrouve dans ce roman la gourmandise en Suisse romande en une prose qui s’insinue dans les plis de la vie, Vandœuvres, les Suissesses bien élevées kidnappées des Mémoires d’un touriste de Stendhal. On y trouve aussi de l’aspiration à la rencontre des cœurs, des lieux où circulent les personnages, des filles aux sentiments troubles, des personnages singuliers, drôles, pleins de vitalité, n’hésitant pas à se faire servir des filets de perche au bord du lac. La sainte table est bien garnie. On se cherche, on rumine, on engrange des souvenirs, et l’on aperçoit l’ombre de Pierre Girard.

Alfred Eibel

Serge Safran éditeur

177 p. 16,90 €.

 
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Publié par le novembre 6, 2015 dans Uncategorized

 

Jean-Michel de Brooklyn, de Marc Villard

New-York, ville des amalgames, mélanges, métamorphoses, de quelques réussites artistiques, de la misère, et comment Marc Villard fait-il pour mordre à si belles dents dans la Grosse Pomme ? Parce que ses séquences filmiques sont bien accordées. Combines, astuces, effractions, se multiplient. Le profit avant tout. L’ascension d’un peintre trouve son compte, la came aussi. Se présentant sous la forme d’un découpage cinématographique avec indications de scènes et de dialogues, une fois de plus, à l’évidence, Marc Villard est un de nos meilleurs nouvellistes, ce qui ne l’empêche pas d’être un bon poète.

Alfred Eibel

Éditions Cohen et Cohen

118 p. 15 €.

 
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Publié par le novembre 6, 2015 dans Uncategorized

 

Entrer dans des maisons inconnues, de Christian Garcin

Auteur de nombreux romans, lauréat de plusieurs prix littéraires, Christian Garcin s’invite chez 21 écrivains sans leur avoir demandé leur avis. Ce qui lui permet d’imaginer des situations parfois cocasses. Il observe leurs manies, leurs habitudes, leurs idées fixes. Si tout est inventé il n’en demeure pas moins que ces textes présentent un caractère de vérité. Par exemple, Stendhal, il n’ouvrait le bec que quand il avait quelque chose à dire, Conrad sur un bateau en train de lire Les travailleurs de la mer, Georges Perros balance entre un ciel mouvant, une mer agitée, un bistrot. Personne n’a eu l’idée, jusqu’à présent, de parler de la maigreur de Kafka. Pessoa évoque des bonheurs à peine venus, déjà évaporés. Le père Hemingway, peut-être sur le tard, termine une nouvelle dans laquelle il ne se passe pas grand-chose. Apollinaire et Marie Laurencin dînent ensemble sous l’œil scrutateur de la chatte Pipe. C’est ce qui s’appelle entrer par effraction.

Alfred Eibel

Finitude

102 p. 13,50 €.

 
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Publié par le novembre 6, 2015 dans Uncategorized

 

Zeina bacha posh, de Cécilia Dutter

Une histoire à la chevalier d’Éon autrement plus palpitante. Zeina, belle afghane, se réfugie à Paris. D’un monde compliqué, sans ressources, elle se love dans le monde de la mode en perpétuelle vigilance. Sont représentés les mauvaises rencontres, les hommes aux bras tendus, mais également des bras secourables. Question essentielle : comment ne pas prendre du poids. « Ce soir, je vous emmène dîner, les filles ! déclare le photographe. Après le dîner, auquel elles n’osent toucher de peur de reprendre un gramme, il les invite au Marquee, le légendaire night-club de Chelsea ». Entre Talibans et modèles de haute couture, y-a-t-il encore une place pour Zeina ?

Alfred Eibel

Éditions du Rocher

219 p. 18, 90 €.

 
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Publié par le novembre 6, 2015 dans Uncategorized

 

Le reste sans changement, d’André Blanchard

Vivant depuis de nombreuses années à Vesoul, ange gardien dans une galerie, André Blanchard (1951-2014) a conservé la distance nécessaire dans ses jugements sur la littérature dans une dizaine de carnets publiés. Le dernier, Le reste sans changement, raconte ses lectures. Pour Blanchard, Zola se répète, raconte Barrès et son chien, Philippe Muray se perd dans des phrases trop longues. Lecteur assidu de la Correspondance de Flaubert, il admire par ailleurs Richard Millet et ignore Annie Ernaux. Il se retrouve dans Balzac, déplore ce qu’il appelle la « littérature élimée » si prisée de nos jours. À Régis Debray il reproche sa manière de dire une chose qui fait penser à une autre. Léautaud est un de ses auteurs de chevet. Blanchard constate que les dits grands écrivains sont capables de sortir des énormités, d’être obscurs et de se contredire, se perdant dans le second degré. Écrivain caustique, sourcilleux quant à la grammaire, il examine et décrit toutes les parties d’un écrivain pour mieux le piquer au vif. Lui-même, disons-le franchement, n’est pas exempt de préciosités. Blanchard note que Jean-Louis Curtis relève à propos de livres dits exemplaires, qu’ils « ne sont plus intelligibles à la majorité de nos contemporains ». Qui le contredirait, écrit Blanchard. C’est le lot à toute époque, de l’écrivain : se dire que tout fout le camp, et passer outre.

Alfred Eibel

Le Dilettante

192 p. 18 €.

 
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Publié par le novembre 6, 2015 dans Uncategorized