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Archives Mensuelles: juillet 2015

ÉCRITS DE CINÉMA, de Henri Langlois

Cet homme est une légende. Il le fut déjà de son vivant, et n’a rien perdu de son aura. On le célèbrera sans doute longtemps comme LE pionnier du sauvetage et de la conservation de films – de tous les films, insisterait-il, tout en sachant le caractère utopique d’un tel projet qui outrepassera à jamais les capacités d’une armée de conservateurs. Il fallait du courage, un drôle de culot, une passion teintée de foie douce pour concevoir cette entreprise sans appui institutionnel. Langlois fut l’un des premiers cinéphiles agissants, qui permit à Rohmer, Truffaut, Rivette, Godard… de faire leurs classes dans le sanctuaire originel de l’avenue de Messine. Rien qu’à ce titre, il peut être considéré comme l’un des parrains de la Nouvelle Vague.

Tout a été dit de cette aventure où se mêlent, non sans confusion, muséographie,  collectionnite aiguë, conservation et mise à disposition. Car Langlois, homme d’instincts et d’engouements foisonnants fut tout sauf ordonné. Ses collaborateurs, une fois mis en confiance, nous livrent à ce sujet quantité d’anecdotes navrantes et hilarantes. Le lecteur de ces « Écrits de cinéma » ne saurait s’en surprendre : de page en page, il découvre  un visionnaire éclectique, brouillon, exalté, grandiloquent, durablement (douloureusement?) partagé entre sa Turquie natale et la France, mais ayant élu comme vraie patrie la terre sans frontière que constitue le cinéma. « Je pense cinéma, dit-il, je vis cinéma, mon imagination est cinéma ». Ou encore « Par mon éducation, je suis absolument international. » Sa curiosité le pousse vers les étrangers, par une sympathie naturelle qui débouche sur une complicité intellectuelle immédiate. Sa découverte émerveillée de l’Amérique, et tout particulièrement de l’Amérique Noire, en est un signe parmi d’autres. Se sentir perpétuellement « chez soi » dans un ailleurs éternel n’est-il pas la meilleure définition de la cinéphilie absolue, soif inextinguible d’images qui fait de chaque écran une fenêtre sur l’infini? « Le cinéma est cette force qui vous arrache à la banalité, ce songe qu’on fait tout éveillé, cette boite à rêver qui est le plus puissant plaisir de l’imagination. »

Cet homme fut un incorrigible glouton, porté par un enthousiasme échevelé qui défiait toute rationalité critique (il anticipait avec horreur l’avènement des écoles de cinéma et se méfiait aussi des « professionnels de la profession ») En transe après une vision du (médiocre) « Song of Songs » Rouben Mamoulian, il submerge son lecteur d’effusions solipsistes, sans trop se soucier de ce qu’il en restera. Il aligne des jugements péremptoires, dénonce à n’en plus finir la parlant qui l’arrache aux voluptés du muet. Bien plus tard, il dira préférer le doublage au sous-titrage… mais programmera avec désinvolture des copies mutilées à double sous-titrage franco-arabe, sorties d’on ne sait quelle caverne d’Ali Baba libanaise. Passons, charitablement, sur les documents uniques prêtés par de grands cinéastes, qui ne revirent point le jour…

Mais trêve de sarcasmes pinailleurs : l’homme, avec tous ses défauts, continue de fasciner par sa fructueuse « folie ». Comment lui reprocher sa lutte contre l’oubli de maints trésors, comment ne pas faire écho à ce cri d’alarme toujours actuel : « Nous sommes en train de vivre, jour après jour, l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie… Jamais le danger de destruction des films n’a été plus grand. » C’était bien des années avant que la pellicule  ne soit dévorée par le numérique, avant que les salles ferment par milliers pour devenir des parkings et des supermarchés… Alors, vive le Langlois visionnaire, et pour le reste « He was some kind of a man ».

Olivier Eyquem

Henri Langlois « Écrits ce Cinéma » La Cinémathèque Française/Flammarion, 2014. 866 pages, index des films et des noms

32 €

 
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Publié par le juillet 31, 2015 dans Uncategorized

 

Après la guerre, d’ Hervé Le Corre

Ce que nous aimons dans le polar, c’est quand tout va de travers, quand les ténèbres s’amoncellent, quand les rues mal éclairées sont les terrains favoris des prédateurs, à la recherche du point faible d’une nouvelle proie. Cela ne suffit pas. Il nous faut encore que l’auteur se mette dans la peau d’un autre, vivant ses sensations, ses angoisses, ses désirs, que nous les partagions avec lui, que nous, voyeurs de ces bars-caves, nous participions aux intimidations à répétition lorsque, mine de rien, planent des menaces, lorsque les dialogues se heurtent, agressifs de préférence, et que les hommes gris réunis en ces lieux obscurs fomentent des mauvais coups.

Bordeaux, rescapée de la seconde guerre mondiale, panse ses plaies, ressuscitent les planqués. Pétochards, ils se comportent en dur à cuire par leur comportement, rongés qu’ils sont par la méfiance. Chaque levé les fait pousser un soupir. Ils ont le sentiment de l’avoir échappé belle, ils ne savent pas pourquoi, c’est comme ça. Les salauds sont blindés, n’hésitent pas à prendre des risques calculés. Ils ont des regards « d’eau morte », se regroupent, forment la confrérie des spoliateurs et des roublards. Ils participent à des affaires douteuses sans trop s’impliquer, savent se dégager à temps lorsqu’ils sentent le vent du boulet. La trahison est pour eux une seconde nature. Dans Bordeaux règne la violence, la police est prompte à intervenir, elle est en permanence sur le pied de guerre. Dans ce climat alourdi par la pluie, le commissaire Albert Darlac prend ses marques. Dénué de scrupules, prêt à tous les compromis, cet homme qui ne s’est jamais repenti d’une quelconque entreprise, d’un quelconque raisonnement tordu, n’a pas cessé de montrer ses talents acquis sous l’occupation allemande. Après la guerre, le voilà tourneboulé, à peine étourdi, sur le point de se refaire une virginité. Il en rajoute, accumule les frasques, brutalités et plus si nécessaire. L’Occupation lui a fourni de faire ses preuves et on imagine facilement que ses donneurs d’ordres lui auraient volontiers épinglé un insigne de dignité sur le revers de son uniforme. Rien ne l’impressionne. Son statut de flic lui permet d’agir à sa guise. Il humilie, il gronde, il se veut une terreur comme Rod Steiger dans La chaleur de la nuit de Norman Jewison. Il est grossier, cruel avec les dames, l’alcool et le tabac contribuant à ses agressions permanentes. Dans un environnement de brutes, il tient le pompon. Sans culture, sans éducation, sans politesse, il observe, prêt à bondir. Il est le représentant type de ce qu’on appelle une pourriture vivante. Il s’accroche à la vie. C’est comme s’il s’accrochait à une rampe branlante sur un escalier effondré. Mais les abus répétés finissent par avoir une fin imprévue. Improbable, pense Albert Darlac. Il n’empêche, il paiera le prix fort de sa goujaterie. Nous sommes à l’époque des appelés en partance pour l’Algérie. Daniel, le garagiste, sait le sort qui l’attend. Il n’a pas envie d’être enrôlé pour faire plaisir à ces colons, qui le débectent, dit-il. Il se sent pris dans un engrenage, ne sait que faire, ne sait que dire. Le moindre bruit le fait sursauter, la peur le saisit. Puis, un jour comme un autre, un inconnu fait irruption dans la ville sous prétexte de faire réparer sa moto. Qui est-il au juste ? Que vient-il faire au milieu d’une fourmilière de malfrats et d’imbéciles heureux ?

Hervé Le Corre nous tient en haleine, crée une atmosphère difficile à pénétrer d’un monde fragile sur le point de chavirer dans le crime.

 

Alfred Eibel

Éditions Rivages

574 p., 8,50 €.

 
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Publié par le juillet 29, 2015 dans Uncategorized

 

À l’enseigne du cœur épris, de Jean-François Pigeat

Premier roman d’un auteur né au milieu du XXe siècle dans la région parisienne. On le suppose avoir infusé ses nombreuses lectures. Ici et là on le sent bagage à la main. Cela dit, on n’y pense plus dès qu’on franchit les premières pages. Alors, on le suit, plutôt on le piste dans ses connaissances suivant une certaine dérivation ; on lui donne quitus d’avoir poursuivi sa voie sans lorgner du côté des chemins de traverse et enfin d’avoir misé sur un lecteur susceptible d’accepter un phrasé des plus enchanteurs. C’est sur un site de rencontres que Stéphane fait la connaissance de Geneviève. On ne triche pas, on annonce la couleur. Stéphane a la conscience d’être lui-même, il attend de la femme remarquée d’être à l’identique. Bref, les caractères passent au scanner. On se raconte des histoires tendres, on sort des lieux communs, on se complimente. Stéphane attend que Geneviève soit à l’unisson avec lui et Geneviève se veut en conformité intellectuelle avec Stéphane. Un léger décalage apparaît lorsque le domicile de l’un et de l’autre se différencie par le cadre de vie. On sait, la déco est un révélateur. Qui s’installe semble dire à l’instar des Anglais my home is my castle. Et ce qui étonnera Stéphane qui aime les étiquettes, qui veut prendre en compte les plus infimes vibrations de Geneviève, épingler les dits et redits les plus futiles avec l’intention de les analyser, persuadé que ces propos sur un même sujet répétés ont plus de conséquences qu’il n’y paraît à premier abord. Il s’aperçoit que Geneviève ne joue pas la même partition. Elle ne coupe pas les cheveux en quatre. Dans sa conception du monde, donc de leurs relations communes, au cours de problèmes évoqués en commun, tandis que Stéphane épluche chaque proposition, ce qui ralentit la vie, néanmoins permet de mélanger les contraires, d’explorer en profondeur ce qui le rapproche de Geneviève. Elle, au cours du discours qu’on tient, des échanges de vues, l’air de n’y pas toucher, dans sa belle humeur franche et communicative, trouve la porte dérobée qui lui permet d’évacuer ce qu’elle considère comme noué dans l’esprit de Stéphane, afin de réduire à la partie la plus simple et la plus dense, ce qui laisse Stéphane quelque peu interdit. Tandis que l’amour se fortifie, que les conversations sans réelles utilités se multiplient, qu’un brin de persiflage donne de la couleur à ce duo au comportement obligé, que les progrès en amour assez lents s’affermissent, apparaît le fils de Geneviève, Yann vingt-huit ans, enfant à sa maman, issu d’un passé que Geneviève, semble-t-il, avait occulté. Ce jeune homme sans gêne, de retour de Londres, instille le doute dans l’esprit de Stéphane, ce qui aura des répercussions su ce vivre ensemble, c’est-à-dire sur les préparatifs à leur installation dans le bonheur. L’écriture de Jean-François Pigeat reproduit le flux de la conscience de ses personnages, faisant entrevoir au lecteur ce qui est exprimé au-delà de cette rencontre. Certes il n’y a guère d’intrigue dans l’exploitation de cette science de l’âme car, les filiations ici établies, le vif éclat de lumière de la prose de Jean-François Pigeat captive et charme le lecteur. Il est bon parfois de sentir un écrivain s’ébrouer dans sa langue et qu’au bout du compte une analyse psychologique n’est pas forcément vaine pour ce qu’elle ambitionne, à savoir le ciel dans la fenêtre comme l’écrivait Jacques Chardonne.

 

Alfred Eibel

Le Dilettante

224 p.18 €.

 
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Publié par le juillet 29, 2015 dans Uncategorized

 

Les tigres parfumés. Voyage au pays des Maharajahs, de Maurice Dekobra

Maurice Dekobra (1888-1973) serait-il un Paul Morand moelleux ? Une chose est sûre, son œuvre ne doit en aucun cas tomber dans l’oubli. Ses livres de voyages valent ceux de ces écrivains qui, lors d’une quinzaine de jours à l’étranger, se croient autorisés à pondre un livre, parlant de leur rhume de cerveau plutôt que des habitants. Au pays du fox-trot, Confucius en pullover, Samouraï 8-cylindres, Sept ans chez les hommes libres sont le résultat de longs séjours d’un écrivain qui sait s’oublier lorsqu’il parcourt l’Inde ou lorsqu’il s’approche de l’Afghanistan. Nous sommes en 1929. Qu’est-ce que l’Inde ? Un pays ? Dekobra répond qu’il faudrait dire un continent. Il explique : il faudrait parler des Bengalais, des Punjabis, des Davidiens, des Parris, des Siks, des Malabars. On n’en finirait pas de les nommer tous. Dekobra constate qu’il y a d’une part les riches qui ont des terres et d’autre part les pauvres. Ceux-là ne disposent que d’une poignée de terre. Notre voyageur n’oublie pas les progressistes et les réactionnaires. Les réactionnaires s’arc-boutent sur une vaine imagination. Les progressistes cherchent à se défaire du poids du passé, préférant la raison, le bon sens. Quant à l’émancipation de la femme, elle sera sans doute difficile, écrit Dekobra. En parcourant Bénarès, Bombay, Delhi, Calcutta, notre globe-trotter constate qu’à côté d’une société de riches bourgeois, prospèrent des parasites et des femmes fatales. Les Anglais, pleins d’ostentation aux Indes, leurs femmes s’ennuient parce que leurs maris officiers sont en mission. Ces charmantes créatures pratiquent le flirt pouvant parfois mener plus loin que prévu. « L’Inde est le paradis des Anglais moyens ». Leur vocabulaire, proche de celui des politiciens, est comme le tarif des brocanteurs. Il faut réduire de 75% pour en estimer la juste valeur, conclut Dekobra. Pendant que les vaillants chasseurs s’attaquent aux animaux sans défense, prêts qu’ils sont à faire disparaître certaines espèces, lion, éléphant, antilope noire, les soldats anglais se croyant en sécurité, tombent dans des embuscades sous les balles des bandits. Pendant ce temps, les tribus afghanes rivales se disputent le trône de Kaboul à coups de fusils. Dekobra n’appartient pas à ce type de voyageur qui s’extasie devant la vétusté des cultures antiques, les commentant comme grandioses. À propos du fanatisme religieux, il écrit : «  Tous les prophètes, tous les Messies ont malheureusement des commis voyageurs cupides qui s’arrogent le droit exclusif de faire de l’exégèse de leur enseignement, de terroriser les fidèles au nom de la divinité absente, d’exploiter enfin leur crédulité ou leur générosité pour en tirer un profit personnel ». En 1947, Maurice Dekobra note dans la réédition de ce livre : «  Les pessimistes, qui n’ont plus aucune illusion sur la modération et la sagesse des masses fanatisées, entrevoient une ère de guerre civile endémique. Si tel devait être le cas, au-dessus des étendards de l’Hindoustan et du Pakistan, un autre flotterait bientôt, avec pour symbole, sur champ écarlate, le masque terrifiant de Kali, amazone de cruauté, déesse impitoyable de la guerre et de la mort ». Il déplore par ailleurs que la logique des Occidentaux, lorsque ceux-ci abordent l’Orient dit compliqué, que leur logique façonnée par une forme particulière de psychorigidité, ressemble à un oiseau en cage qui tourne perpétuellement en rond. Disons pour finir que « Les tigres parfumés » surpasse la plupart des guides disponibles.

 

Alfred Eibel

Éditions KailasH

218 p.15 €.

 
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Publié par le juillet 29, 2015 dans Uncategorized

 

Antheil et le traité des harmonies, d’Ezra Pound

L’harmonie c’est quoi pour Ezra Pound ? Une science des accords, une invitation rythmique, une bonne organisation des intervalles, comme pour la poésie. Chaque segment introduit le suivant puis se fond dans l’ensemble des parties instrumentales. Selon Ezra Pound, les textes antiques sont amputés d’une partie de leur portée parce qu’on n’entend pas l’inflexion de la voie du récitant. On comprend l’intérêt du poète pour l’Égypte des pharaons, pour la poésie chinoise qui est essentiellement chant, et pour la poésie lyrique et courtoise des Troubadours des XIIe et XIIIe siècles.

Alfred Eibel.

Pierrre-Guillaume de Roux, éditeur

179 p., 23, 90 €.

 

 
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Publié par le juillet 8, 2015 dans Uncategorized

 

Les maîtres du Printemps, d’Isabelle Stibbe

Comment tenir si l’on vous sape le moral, comment ne pas craquer si le voyage au bout du licenciement est la seule voie. Le petit livre d’Isabelle Stibbe fait la part entre manifeste et satire. Il met en scène un métallurgiste, un sculpteur, un député qui, pour l’occasion, main dans la main, décident de sauver le dernier haut-fourneau d’Aublange en Lorraine, un combat de tous les instants. Une solution est proposée, elle est repoussée ; une proposition nouvelle suit, elle s’avère illusoire. Et c’est parce qu’il faut à tout prix sauver les emplois que nos trois gaillards se démènent. Ils cherchent un repreneur, envisagent une nationalisation. Ils ont beau dire qu’arrêter un haut-fourneau c’est une lumière qui s’éteint, jolie formule. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Les gens du camp d’en face n’ont ni indulgence, ni miséricorde, adversaires à une quelconque rémission. Ils veulent bien écouter avec attention ceux qui revendiquent. Les braves gens prêchent toujours dans le désert. Révolte, ultimatum, suppliques, rien n’y fait, autant en emporte le vent. Que peut le politique si ce n’est engager une guerre des mots usés jusqu’à la corde. Le camp d’en face cherche à gagner du temps, accumule les promesses, menace. Les décisions sont prises d’avance comme ces romanciers qui savent la fin de leur histoire. On n’y va pas tout de suite, il faut un développement, des événements, un corps à corps, des coups de théâtre, un peu d’espoir, une prise de bec. Il ressort de ce livre si bien martelé qu’il ne suffit pas d’être déterminé ; que l’illusion n’est qu’une erreur qui se joue de nos sens et de notre esprit. Ceux qui détiennent la bourse veulent avant tout la vie des autres.

 

Alfred Eibel

Serge Safran éditeur,

144 p. 17,90 €.

 
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Publié par le juillet 8, 2015 dans Uncategorized

 

Patrick Wagner : Davaï ! Du lac Baïkal aux plages de Ko Chang – Préface d’Alain Paucard

Qui veut aller loin ne ménage pas sa monture. Patrick Wagner sait que la misère fait partie du voyage au même titre que l’imagination, loin des touristes qui font du lèche vitrine. L’intérêt de cette traversée de l’Asie tient à l’exactitude de son regard, à son récit et au bonheur qui monte de ses pages. Wagner adopte les habitudes des lieux visités, sait lire dans les yeux des hommes, trouve le mot simple et direct pour rendre son périple familier au lecteur. On peut dire de lui qu’il subit ce qu’il écrit, le voyage étant une perpétuelle improvisation. Il possède ce talent de laisser venir à lui ce que les jours lui apportent sans rechigner. En somme, comme il le note, il sait vivre à livre ouvert des moments inoubliables. Il va de surprise en surprise. Voyager, c’est être inspiré si l’on porte ses pas à l’essentiel.

Ce qu’il aime dans les villes qu’il parcourt, c’est « l’agitation qui y règne, les rues pleines de couleurs, d’odeurs et de bruit ». Son enthousiasme ne faiblit pas. Des portes s’ouvrent au moment où il se heurte aux difficultés. Il est accueilli à bras ouverts, traité en ami, avec une bienveillance particulière parce qu’on sent qu’il appartient entièrement au paysage. Patrick Wagner fait partie de ces rares voyageurs qui portent à leurs semelles l’empreinte de leurs déplacements. Voyager ne consiste pas à envoyer des cartes postales aux amis restés au pays. Ce qui demeure par chance et encore cette année là à l’abri des contagions extérieures n’est que provisoire. Patrick Wagner constate, dans chaque pays traversé, la lente et certaine avancée en tapinois de l’uniformité. Voyager est une création. Voyager exprime la beauté d’une aventure humaine. Ce n’est déjà pas si mal.

 

Alfred Eibel

Éditions des Paraiges

207 p. 18 €.

 
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Publié par le juillet 8, 2015 dans Uncategorized