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Archives Mensuelles: janvier 2020

Remi Perrin : Michel Perrin,gentilhomme des lettres

Écrivain inclassable, Michel Perrin (1918 – 1994), un penchant à voir et à savoir, pasticheur et journaliste à Télé 7 jours, plume agile qui lui a permis de connaître des succès notamment au théâtre avec Darry Cowl dans Docteur Glass. Ami de Max Jacob et d’Arletty, le bonheur était son couvre-chef. Remi Perrin retrace la vie de son père avec minutie et bienséance, couvrant ainsi une époque aux instants privilégiés où quelques célébrités ont émergé, aujourd’hui disparues à jamais des mémoires, il faut le souligner. Michel Perrin avait la rage de vivre, titre du fameux bouquin de Mezz Mezzrow. Je me souviens encore de nos nombreux déjeuners durant lesquels nous évoquions notre passion commune du jazz, de musiciens que nous avions rencontrés comme Louis Armstrong, Duke Ellington, Earl Hines, Lionel Hampton, Willy « The lion » Smith, ou écoutés comme Jerry Roll Morton, Fats Waller, Kenny Clark ou Benny Carter. À ce sujet, Remi Perrin écrit : « L’amour du jazz a joué un rôle disproportionné dans la vie de mon père ». En lisant ce livre, on met un pied dans une autre époque. On fait de la décalcomanie, procédé par lequel on décalque des images peintes sur du papier. Remi Perrin décalque avec justesse des images furtives de la vie de son père qui emballent une époque.

Alfred Eibel

Éditions Via Romana, 123 p.18 €.

 
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Publié par le janvier 28, 2020 dans Uncategorized

 

Une femme obscure, de Daniel Maggetti

Obscure parce que mouvante. Daniel Maggetti se garde de créer un type de femme qui automatiquement se distinguerait par ses contours. Le cadre dans lequel évoluent les personnages de ce livre en 1889 est une de ces baraques de campagne telle qu’on en trouve dans les romans de Jeremias Gotthelf (1797 – 1854). Nous percevons un espace, des corps à travers une brassée de souvenirs auxquels il faut ajouter des lithographies jaunies qui manquent de brillance. Qui est Melania ? Tournée sur elle-même, insaisissable, une femme-foudre avec quelque chose d’illicite, d’inexplicable. À peine la voit-on qu’elle disparaît. Il suffit par occasion d’une naissance pour accoucher d’un tableau d’une meilleure visibilité.

 

Alfred Eibel

Éditions Zoé, 128 p. 15 €.

 
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Publié par le janvier 28, 2020 dans Uncategorized

 

La Femme-Maÿtio, de Béatrice Castaner

30 000 ans avant la naissance des scribes, la jeune Maÿtio est sauvée de la mort. Une divinité veille sur son destin. Maÿtio progresse à tâtons, s’aperçoit qu’à la croisée des chemins il n’y a plus de chemin. Quelque chose de fermé semble la rendre prisonnière. Elle constate, s’affirme, se surprend ; elle se veut un œil neuf, « semble n’avoir jamais existé pour n’être jamais mort ». Plus tard, la voilà rejointe par des femmes et des hommes. Alors elle rencontre E’wé, une jument, monte la bête et file. Cohabite chez Béatrice Castaner un aspect ethnographique par la mise à l’épreuve du langage comme chez Michel Leiris. Pour ceux qui se laisseraient entraîner par leur imagination, qu’ils se remémorent Catherine Spaak à cheval dans un film à costume.

 

Alfred Eibel

Serge Safran éditeur, 160 p. 16,90 €.

 
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Publié par le janvier 28, 2020 dans Uncategorized

 

Roland Jaccard, « Confessions d’un gentil garçon »

Après la lecture des Mémoires d’une fripouille de Georges Sanders, nous voici en train de lire les Confessions d’un gentil garçon. On ne commente pas un livre si roboratif. On cherche plutôt par où le lecteur rejoint l’auteur. Autrement dit, à quels moments les rails du lecteur s’imbriquent dans celles de l’auteur. Femmes fatales, créatures en perdition ou cette petite qui finit par se lasser. Rien ne tient parce que la vie elle-même n’est qu’une suite de routines. On poursuit son chemin ou l’on se suicide. L’adolescence passée, on connait la musique. On demeure au fond de soi l’enfant opposé à l’adulte pétrifié. La vie n’est qu’une suite de simulacres, d’effets de manches, de mises en scène et de bobards. Le cynisme s’y colle intégralement comme un ensemble de mobiles qui évoluent. Omar Khayâm a écrit : « Chaque soupir que pousse l’amant au matin / Vaut mieux que les lamentations des faux bonshommes ». On suit Roland Jaccard avec délectation. Il croise Cioran, Schnitzler, Karl Kraus et bien d’autres. On nous pardonne d’y adjoindre Krafft-Ebing, Curt Goetz ainsi que les écrits de Léo Slezak.

 

Alfred Eibel.

Pierre-Guillaume de Roux éditeur, 106 p., 16,50 €.

 
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Publié par le janvier 11, 2020 dans Uncategorized

 

Bernard de Fallois, « Chroniques cinématographiques »

Bernard de Fallois a tenu chaque semaine, de 1959 à 1962, la chronique cinématographique de l’hebdo Arts puis celle du Nouveau Candide. 150 films visités. Une plume de poète, un œil de lynx. Loin d’une cinéphilie d’inspiration divine ou d’une intelligence qui ne souffre pas la contradiction. Même les films les plus réussis, les plus passionnants, à l’intrigue la plus forte, auréolés d’une forme de grâce, de vrais chefs-d’œuvre, connaissent quelques défaillances. C’est dire que de Fallois a les yeux en face des trous. Parmi les cinéastes cités, il y a ceux qui se trompent de sujet, qui ont un rapport lointain avec l’art cinématographique ou qui rabâchent un sujet déjà rabâché maintes fois dont on sent que pas une scène ne part d’une nécessité ; ou alors ceux qui confondent cinéma avec théâtre. Farceurs et raseurs se bousculent au portillon qui ont parfois du mal à faire tenir debout un film. Il existe par contre des films capables de se hisser au niveau d’un divertissement supérieur et qui méritent des bons points parce que subsiste un certain charme. En dépit d’avoir du brio, quelques audaces, ces œuvres forment la grande majorité. Bernard de Fallois ne cesse de répéter qu’un bon film se doit de posséder du mouvement, de nous présenter des images qui nous parlent et qui annoncent franchement la couleur. Si l’éreintement d’un film s’impose, les grandes louanges se font rares. Bernard de Fallois dissèque chaque œuvre avec la délicatesse d’un médecin légiste. Il recommande de « chercher l’âme à la pointe de la caméra ». S’il avait la possibilité de mettre une note à un film, il lui arriverait tel un prof de mettre juste la moyenne. Comment dire, on est sauvé !

 

Alfred Eibel.

Préface de Philippe d’Hugues,

Éditions de Fallois, 464 p., 22 €.

 
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Publié par le janvier 11, 2020 dans Uncategorized

 

Flannery O’Connor : « Journal de prière »

Affligée d’un mal inguérissable l’obligeant à se déplacer avec des béquilles, Flannery O’Connor (1925 – 1964) est surtout connue par le film de John Huston Le Malin, d’après son roman La sagesse dans le sang mettant en scène un prédicateur de campagne confronté à ses propres contradictions. Fervente catholique, Flannery O’Connor cherche par les moyens les plus détournés l’accès à Dieu. Par la prière, elle attend une réponse ; elle veut aller au-delà des prières. La foi chevillée au corps elle implore, s’humilie, sévère et dure avec elle-même. Elle ne cesse de s’accabler, prisonnière de sa solitude. Elle en appelle à Dieu pour « devenir un bon écrivain ». Elle se demande parfois si elle n’est pas ridicule. En somme, elle mène une guerre contre elle-même. Il arrive qu’elle se sente excentrique et grotesque. En même temps elle sait que l’inatteignable ne peut être atteint. Alors elle se contente de contempler les arbres. Elle porte en elle quelque chose d’un fanatisme religieux qui soudain fait qu’elle ne se reconnaît plus. Elle mène un combat entre elle et Dieu. À chaque prière elle espère se rendre plus claire, plus explicite. Sa foi, si fragile, l’amène à se répéter en utilisant des termes différents, s’y prenant autrement pour accéder au divin avec la retenue qui la caractérise. En résumé, Flannery O’Connor est à ranger dans la catégorie de celles qui possèdent un caractère de spiritualité allégorique. Le mandat du ciel, c’est évidemment elle qui le fournit.

 

Alfred Eibel.

Éditions Actes-Sud, 61 p., 9 €.

 
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Publié par le janvier 11, 2020 dans Uncategorized