Mes rencontres avec Christian Bachelin (1933-2014). Timidité, contraction spasmodique du diaphragme, le don de faire paraître comme réel ce qui ne l’est point, son agitation, son côté Bartleby, ses partis pris, Stephen King, son grand homme, ainsi résumé ce poète à la prédisposition géniale. Dans Soir de la mémoire, il fait l’inventaire de sa famille. Des rêves, des perceptions, des sensations, l’écho de sa voix inexorable, des éclairages qui changent d’intensité, des « relents du passé », le père enterré, la mère également, l’appartement vide, des vies immobiles lorsque tout se disjoint. Des souvenirs évanescents, des photos en sépia, la morte saison des amours, « l’obscur météorite du passé », l’impossibilité pour Bachelin d’atteindre « le centre du temps » ; Bachelin et son côté Francis Ponge. Georg Trakl appelait cela « d’éphémères images qui sombrent ». En passant, attirons l’attention du lecteur sur l’unique roman de Bachelin, Y seul, distinct de tout ce qui a été publié jusqu’à présent. Une histoire d’amour perturbée sous un grand nuage de jazz, Duke Ellington, George Gershwin, Irving Berlin.
Alfred Eibel.
La Table Ronde, coll. « La petite vermillon », préface de Valérie Rouzeau, 138 p., 7,30 €.