Si vous aimez Henri Calet et Raymond Guérin, vous aimerez Yves Gibeau (1916 – 1994), un classique dans sa catégorie, un livre qui fait marrer avec enthousiasme. L’auteur assassine la guerre, ses militaires, évadés dirait-on de chez Courteline mais teigneux à souhait. Des militaires qui, par leurs conneries, freinent la moindre velléité de liberté. Yves Gibeau réfractaire impénitent, propose au lecteur des personnages que la sinistrose n’a pas épargnés. Publié pour la première fois chez Calmann-Lévy en 1952, Allons z’enfants, petit chef-d’œuvre, ouvre grand les portes de la bêtise en uniforme. On se congratule, on s’emploie à prendre la poudre d’escampette. Les personnages affrontent les obstacles avec détermination, à la recherche d’une franchise pleine et entière car la franchise est un combat contre la niaiserie. Le ton familier du roman prend du relief, souligne ses nombreux escarpements où les manières libres et inconvenantes permettent de remettre à leur place les gars un peu trop sûrs d’eux. En fin de journée, lorsque le troufion retrouve sa chambre, son lit d’enfant, ce n’est « point pour dormir ou goûter la douceur de draps blancs et souples, que pour rêver tout son saoul, solitaire, à des joies nouvelles, merveilleuses, étrangement exaltantes… ». Yves Gibeau possède un uppercut qui va droit à l’estomac. Avec sa phraséologie particulière, sa manière de dresser ses personnages, de les traquer, il les oblige à sortir ce qu’ils ont dans le ventre. La mise en boîte étant de rigueur.
Alfred Eibel.
Le Dilettante, 446 p. 23 €.
Parution le 13 avril 2016.