Célébré par Franz Kafka, le poète suisse Robert Walser (1878-1956), au cours d’une vie pleine de troubles, est considéré aujourd’hui comme un des écrivains importants du XXe siècle. Il sait exciter son imagination, se perdre en rêverie, prendre la vie à bras le corps sans parti pris, pour composer une suite de proses de petite étendue sur laquelle il emballe un portrait lancé à toute allure jusqu’au dernier mot, contre le sens commun pourrait-on dire, et finir par convaincre l’esprit le plus équilibré. Il note par exemple : « Tout vrai poète a une prédilection pour la poussière ». Robert Walser est sensible aux choses élémentaires, parce qu’elles nous aident à nous mouvoir dans le quotidien songeant à tant d’hommes sans pensée importante, sans idées, ne remarquant jamais rien. Et si la neige, nous rappelle le poète, était plus qu’un blanc manteau, un acte qui tient le milieu entre la plaisanterie et la bouffonnerie ? La plume de Robert Walser se promène au gré des chemins avec ou sans bifurcation, à la limite de l’absurde, de la parodie, avec une manière singulière de jongler avec les mots. Tout est raffinement chez lui, tout est ironie. Les bonnes questions, insiste Robert Walser, sont toujours absurdes pour la plupart alors qu’il est inévitable qu’on puisse être stupéfait devant des objets qui ne parlent pas. Sa galerie de portraits est étonnante, elle ébranle les certitudes, s’élève contre la cohérence qui nous empêche de musarder. « La vie est pour moi une salle à manger où je suis seul à table ». Il est temps de s’investir dans cette œuvre déroutante qui nous oblige à renouveler notre regard.
Alfred Eibel.
Éditions Zoé-Poche, 221 p. 10 €.
N.B. Lire aussi chez le même éditeur Seeland, Le territoire du crayon.